Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/148

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crime un besoin, ils conviennent que Florus soulèvera la Belgique, et Sacrovir les cités les plus voisines de la sienne. Ils vont donc dans les assemblées, dans les réunions, et se répandent en discours séditieux sur la durée éternelle des impôts, le poids accablant de l’usure, l’orgueil et la cruauté des gouverneurs ; ajoutant « que la discorde est dans nos légions depuis la mort de Germanicus ; que l’occasion est belle pour ressaisir la liberté, si les Gaulois considèrent l’état florissant de la Gaule, le dénuement de l’Italie, la population énervée de Rome, et ces armées où il n’y a de fort que ce qui est étranger. »

XLI. Il y eut peu de cantons où ne fussent semés les germes de cette révolte. Les Andécaves et les Turoniens[1] éclatèrent les premiers. Le lieutenant Acilius Aviola fit marcher une cohorte qui tenait garnison à Lyon, et réduisit les Andécaves. Les Turoniens furent défaits par un corps de légionnaires que le même Aviola reçut de Visellius, gouverneur de la basse Germanie, et auquel se joignirent des nobles Gaulois, qui cachaient ainsi leur défection pour se déclarer dans un moment plus favorable. On vit même Sacrovir se battre pour les Romains, la tête découverte, afin, disait-il, de montrer son courage ; mais les prisonniers assuraient qu’il avait voulu se mettre à l’abri des traits en se faisant reconnaître. Tibère, consulté, méprisa cet avis, et son irrésolution nourrit l’incendie.

XLII. Cependant Florus, poursuivant ses desseins, tente la fidélité d’une aile de cavalerie levée à Trèves et disciplinée à notre manière, et l’engage à commencer la guerre par le massacre des Romains établis dans le pays. Quelques hommes cédèrent à la corruption ; le plus grand nombre resta dans le devoir. Mais la foule des débiteurs et des clients de Florus prit les armes, et ils cherchaient à gagner la forêt d’Ardenne, lorsque des légions des deux armées de Visellius et de C. Silius, arrivant par des chemins opposés, leur fermèrent le passage. Détaché avec une troupe d’élite, Julius Indus, compatriote de Florus, et que sa haine pour ce chef animait à nous bien servir, dissipa cette multitude qui ne ressemblait pas encore à une armée. Florus, à la faveur de retraites inconnues, échappa quelque temps aux vainqueurs. Enfin, à la vue des soldats qui assiégeaient son asile, il se tua de sa propre main. Ainsi finit la révolte des Trévires.

  1. L’Anjou et la Touraine.