Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/169

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il commença par la séduire. Une femme qui a sacrifié sa pudeur n’a plus rien à refuser. Quand il eut sur elle les droits du premier crime, il lui mit en tête l’espérance du mariage, le partage du trône, l’assassinat de son époux. Ainsi la nièce d’Auguste, la bru de Tibère, la mère des enfants de Drusus sans respect ni d’elle-même, ni de ses aïeux, ni de ses descendants, se prostituait à un vil étranger, et sacrifiait une grandeur présente et légitime à des espérances criminelles et incertaines. On mit dans la confidence Eudémus, ami et médecin de Livie, et qui, sous prétexte de son art, la voyait souvent sans témoins. Séjan pour ôter tout ombrage à sa complice, répudia sa femme Apicata, dont il avait trois enfants. Toutefois l’énormité de l’attentat multipliait les craintes, les délais, lés résolutions contradictoires.

Tableau de l’empire romain

Drusus prend la toge virile. Projet de visite des provinces

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Ce fut au commencement de cette année que Drusus, un des enfants de Germanicus, prit la robe virile. Tous les décrets rendus en l’honneur de son frère Néron3 furent renouvelés pour lui. Tibère prononça en outre un discours où il relevait par de grands éloges la bienveillance paternelle de son fils pour ceux de Germanicus. Car, quoique la puissance et la concorde habitent rarement ensemble, Drusus passait pour aimer ses neveux, ou du moins pour ne pas les haïr. Ensuite le prince remit en avant le projet tant de fois annoncé et toujours feint de visiter les provinces. Il prétexta le grand nombre des vétérans et les levées à faire pour compléter les armées ; ajoutant que les enrôlements volontaires manquaient, ou ne donnaient que des soldats sans courage et sans discipline, parce qu’il ne se présentait guère pour servir que des indigents et des vagabonds. Il fit à ce sujet l’énumération rapide des légions et des provinces qu’elles avaient à défendre. Je crois à propos de dire aussi ce que Rome avait alors de forces militaires, quels rois étaient ses alliés, et combien l’empire était moins étendu qu’aujourd’hui.

3. Voy. liv. III, XXIX.

Dénombrement des forces romaines

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Deux flottes, l’une à Misène4, l’autre à Ravenne5, protégeaient l’Italie sur l’une et l’autre mer ; et des galères qu’Auguste avait prises à la bataille d’Actium et envoyées à Fréjus gardaient, avec de bons équipages, la partie des Gaules la plus rapprochée. Mais la principale force était sur le Rhin, d’où elle contenait également les Germains et les Gaulois ; elle se