Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/194

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courage qui sait vouloir la liberté ou la mort. En même temps ils montraient, sur la cime des rochers, les forteresses où ils avaient réuni leurs parents et leurs femmes, et nous menaçaient d’une guerre rude, sanglante, hérissée d’obstacles.

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Poppéus, pour avoir le temps de rassembler une armée, répondit par des paroles conciliantes. Lorsque Pomponius Labéo fut arrivé avec une des légions de Mésie, et le roi Rhémétalcès avec des secours que fournirent les Thraces restés fidèles, le général ajouta ce qu’il avait de forces, et marcha droit aux rebelles. Ils étaient déjà postés dans des gorges, au milieu des bois. D’autres, plus hardis, se montraient sur des collines découvertes. Poppéus y monte en bon ordre et les chasse sans peine. Les barbares perdirent peu de monde, ayant leur refuge tout près. Ensuite Poppéus se retranche dans ce lieu même, et occupe, avec un fort détachement, une montagne dont la croupe étroite, mais unie et continue, s’étendait jusqu’à une première forteresse gardée par de nombreux défenseurs, soldats ou multitude. Pendant que les plus ardents s’agitaient devant les remparts, avec leurs chants et leurs danses sauvages, il envoya contre eux l’élite de ses archers. Tant que ceux-ci combattirent de loin, ils firent beaucoup de mal sans en recevoir. S’étant avancés plus près, une brusque sortie les mit en désordre. Ils furent soutenus par une cohorte de Sicambres26, que le général avait placée à quelque distance ; troupe intrépide, et non moins effrayante que les Thraces par ses chants guerriers et le fracas de ses armes.

26. Nation germanique que Tibère soumit l’an de Rome 746, et qu’il transporta sur la rive gauche du Rhin.

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Ensuite Poppéus alla camper en face de l’ennemi, et laissa dans ses premiers retranchements les Thraces auxiliaires dont j’ai parlé. Il leur fut permis de ravager, de brûler de piller, pourvu que leurs courses finissent avec le jour, et que la nuit, renfermés dans le camp, ils y fissent bonne garde. Cet ordre fut observé d’abord. Bientôt, prenant le goût de la débauche et enrichis par le pillage, ils cessent de garder les postes. Ce ne sont plus que festins désordonnés, que soldats tombant d’ivresse et de sommeil. Les rebelles, instruits de leur négligence, se divisent en deux corps. L’un devait fondre sur ces pillards, l’autre assaillir le camp romain, non dans l’espérance de le prendre, mais afin que leurs cris, leurs