Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/196

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rances. Il donna l’exemple en se plongeant son épée dans le sein, et sa mort ne manqua pas d’imitateurs. Turésis attendit la nuit avec sa troupe, non toutefois à l’insu de notre général. Aussi, tous les postes furent garnis de renforts nombreux. Avec la nuit s’était élevée une affreuse tempête, et l’ennemi, par des cris effroyables, suivis tout à coup d’un vaste silence, avait jeté l’incertitude parmi les assiégeants. Poppéus parcourt aussitôt toute sa ligne : il exhorte les soldats à ne pas ouvrir de chance aux barbares, en se laissant attirer par un bruit trompeur, ou surprendre par un calme perfide ; mais à rester immobiles à leurs postes, et à ne lancer leurs traits qu’à coup sûr.

Cependant les barbares, descendant par pelotons, jettent sur nos retranchements des pierres, des pieux durcis au feu, des tronçons d’arbres ; d’autres remplissent les fossés de fascines, de claies, de cadavres. Quelques-uns, munis de ponts et d’échelles, les appliquent au rempart, saisissent, arrachent les palissades, et luttent corps à corps avec ceux qui les défendent. Nos soldats les renversent à coups de traits, les poussent du bouclier ou leur envoient d’énormes javelines, et roulent sur eux des monceaux de pierres. Chez les nôtres, la victoire qu’ils tiennent dans les mains, et qui rendra, si elle échappe, la honte plus éclatante ; chez les barbares l’idée que ce combat est leur dernier espoir, les cris lamentables de leurs femmes et de leurs mères, qui les suivent dans la mêlée, échauffent les courages. La nuit accroît l’audace des uns, grossit aux autres le danger. Les coups volent au hasard, arrivent inattendus ; amis, ennemis, on ne distingue personne. L’écho de la montagne, dont nos soldats entendaient le retentissement derrière eux, acheva de tout confondre. Ils crurent les retranchements forcés et en abandonnèrent une partie. Cependant les ennemis ne les traversèrent qu’en petit nombre. Les plus braves furent tués ou blessés ; et, au point du jour, le reste fut poursuivi jusqu’au sommet du rocher, où ils furent, à la fin, contraints de se rendre. Les bourgades voisines se soumirent d’elles-mêmes. L’hiver rigoureux et prématuré du mont Hémus empêcha que les autres ne fussent réduites par la force ou par des sièges.

Agrippine

Condamnation de sa cousine

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À Rome, de violentes secousses agitaient la maison de César. Pour préluder aux coups dont Agrippine devait un jour être atteinte, on attaque sa cousine Claudia. L’accusateur fut Domitius Afer. Cet homme sortait de la préture, avec