Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/205

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de plaisance, dont les noms et les constructions l’avaient envahie tout entière. C’est là que ce prince, si occupé jadis des affaires publiques, ensevelit ses dissolutions honteuses et son oisiveté malfaisante. Car il lui restait cette crédulité soupçonneuse, que Séjan avait nourrie dans Rome, et que chaque jour il inquiétait davantage. Déjà cet homme ne se bornait plus contre Néron et sa mère à d’obscures intrigues. Un soldat était sans cesse attaché à leurs pas. Messages, visites, démarches publiques ou secrètes, il inscrivait tout comme dans des annales. Des gens apostés leur conseillaient en même temps de se réfugier auprès des années de Germanie, ou de courir, au moment où la foule se presse dans le Forum, embrasser la statue d’Auguste, et implorer la protection du sénat et du peuple. Ils repoussaient en vain de tels projets ; on les accusait de les avoir formés.

33. Les Téléboens, suivant Strabon, étaient un peuple d’Acarnanie. Sous Auguste, l’île de Caprée appartenait à la cité de Naples. Auguste l’acquit de cette république, à laquelle il donna en échange d’autres petites îles. Caprée était donc une propriété particulière de l’empereur.

Accusations contre Titius Sabinus

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L’année des consuls Junius Silanus et Silius Nerva s’ouvrit sous d’affreux auspices : on la commença par traîner au cachot fatal un chevalier romain du premier rang, Titius Sabinus, coupable d’attachement à Germanicus. Il n’avait cessé d’honorer sa veuve et ses fils, les visitant dans leur maison, les accompagnant en public, resté seul après tant de clients, et, à ce titre, loué des bons, odieux aux pervers. Latinius Latiaris, Porcius Cato, Pétilius Rufus et M. Opsius, anciens préteurs, se liguent pour le perdre. Ils voulaient le consulat, auquel on n’arrivait que par Séjan, et l’on n’achetait l’appui de Séjan que par le crime. Il fut convenu entre eux que Latiaris, qui avait quelques relations avec Sabinus, tendrait le piège, que les autres seraient témoins, et qu’ensuite on intenterait l’accusation. Latiaris commence par des propos vagues et indifférents. Bientôt louant la constance de Sabinus, il le félicite de ce qu’ami d’une maison florissante, il ne l’a pas, comme les autres, abandonnée dans ses revers. En même temps, il parlait honorablement de Germanicus et déplorait le sort d’Agrippine. Les malheureux s’attendrissent facilement : Sabinus versa des larmes, se plaignit à son tour. Alors Latiaris attaque plus hardiment Séjan, sa cruauté, son orgueil, son ambition. Tibère même n’est pas épargné dans ses invectives. Ces entretiens, comme des confidences séditieuses, formèrent entre eux l’apparence d’une étroite amitié. Bientôt Sabinus fut le premier à chercher Latiaris, à le visiter, à lui confier ses douleurs comme à l’ami le plus sûr.

69

Les hommes que j’ai nommés délibérèrent sur le