Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

choisit des peaux d’aurochs pour modèle de celles qu’on recevrait. Cette condition, dure partout ailleurs, était impraticable en Germanie, où les animaux domestiques sont petits, tandis que les forêts en nourrissent d’énormes. Ils furent réduits à livrer d’abord les bœufs mêmes, ensuite leurs champs, enfin à donner comme esclaves leurs enfants et leurs femmes. De là l’indignation, les plaintes, et la guerre, dernier remède à des maux dont on n’obtenait point le soulagement. Ils saisissent les soldats qui levaient le tribut, et les mettent en croix. Olennius dut son salut à la fuite. Il trouva un asile dans le château de Flève, d’où un corps assez nombreux de Romains, et d’alliés observait les côtes de l’Océan.

73

À cette nouvelle, L. Apronius, propréteur de la basse Germanie, fait venir de la province supérieure des détachements des légions et l’élite de l’infanterie et de la cavalerie auxiliaire. Avec ces troupes réunies aux siennes, il s’embarque sur le Rhin et descend chez les Frisons. Les rebelles avaient déjà levé le siège du château pour courir à la défense de leurs foyers. Des lagunes arrêtaient la marche d’Apronius ; il y construisit des chaussées et des ponts, pour assurer le passage du gros de l’armée. Pendant ce temps ayant trouvé un gué, il détache une aile de Canninéfates35, et ce qu’il avait sous ses drapeaux d’infanterie germaine, avec ordre de tourner l’ennemi. Celui-ci, déjà rangé en bataille, repousse les escadrons alliés et la cavalerie légionnaire envoyée pour les soutenir. Alors on fait partir trois cohortes légères, ensuite deux, et quelque temps après toute la cavalerie auxiliaire, forces suffisantes, si elles eussent donné toutes ensemble ; arrivant par intervalles, non seulement elles ne rendirent point le courage à ceux qui pliaient, mais la terreur et la fuite des autres les entraînèrent elles-mêmes. Le général donne à Céthégus Labéo, lieutenant de la cinquième légion, ce qui lui restait de troupes alliées. Ce nouveau renfort pliait aussi, et Céthégus, placé dans une position critique, dépêchait courrier sur courrier, pour implorer le secours des légions. Elles s’élancent, la cinquième en tête, et, après un combat opiniâtre, elles repoussent l’ennemi et ramènent les cohortes et la cavalerie chargées de blessures. Le général romain ne songea point à la vengeance et n’ensevelit pas les morts, quoiqu’on eût perdu beaucoup de tribuns, de préfets, et les premiers