Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/290

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Voyant l’Arménie abandonnée, Rhadamiste y rentra plus terrible que jamais : il avait une rébellion à punir, et il en craignait une nouvelle. En effet, les Arméniens, quoique faits à la servitude, éclatèrent enfin, et coururent en armes investir le palais.

Fuite de Rhadamite - sa femme Zénobie

51

Rhadamiste n’eut d’autre ressource que la vitesse de ses chevaux, sur lesquels il s’enfuit accompagné de sa femme. Celle-ci était enceinte : toutefois la crainte de l’ennemi et la tendresse conjugale lui donnèrent des forces, et elle supporta le mieux qu’elle put les premières fatigues. Bientôt, les continuelles secousses d’une course prolongée lui déchirant les entrailles, elle conjure son époux de la soustraire par une mort honorable aux outrages de la captivité. Rhadamiste l’embrasse, la soutient, l’encourage, passant tour à tour de l’admiration pour son héroïsme à la crainte de la laisser au pouvoir d’un autre. Enfin, transporté de jalousie, habitué d’ailleurs aux grands attentats, il tire son cimeterre, l’en frappe, et, l’ayant traînée au bord de l’Araxe, il l’abandonne au courant du fleuve, pour que son corps même ne puisse être enlevé. Pour lui, il gagne précipitamment les États de son père. Cependant Zénobie (c’était le nom de cette femme) flotta doucement jusque sur la rive, respirant encore et donnant des signes manifestes de vie. Des bergers l’aperçurent ; et, jugeant à la noblesse de ses traits qu’elle n’était pas d’une naissance commune, ils bandent sa plaie, y appliquent les remèdes connus aux champs ; ensuite, instruits de son nom et de son aventure, ils la portent dans la ville d’Artaxate. De là elle fut conduite, par les soins des magistrats, à la cour de Tiridate, qui la reçut avec bonté et la traita en reine.

An 52

A Rome

52

Pendant le consulat de Faustus Sylla et de Salvius Otho, Furius Scribonianus fut exilé sous prétexte qu’il avait interrogé des astrologues sur l’époque de la mort du prince. On lui reprochait en outre les plaintes de sa mère, bannie elle-même, et qui, disait-on, supportait impatiemment sa disgrâce. Le père de Scribonianus, Camille, avait essayé une révolte en Dalmatie, et Claude se piqua de clémence en épargnant pour la seconde fois une race ennemie. Au reste, l’exilé ne jouit pas longtemps de la vie qui lui était laissée. Il mourut, naturellement suivant les uns, suivant d’autres par le poison. On rendit, pour chasser les astrologues d’Italie, un sénatus-consulte rigoureux, mais sans effet. Ensuite le prince loua dans un discours les sénateurs qui, à cause de la médiocrité de leur