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annales, livre i

grandeur, fut écrite, après leur mort, sous l’influence de haines trop récentes. Je dirai donc peu de mots d’Auguste, et de sa fin seulement. Ensuite je raconterai le règne de Tibère et les trois suivants, sans colère comme sans faveur, sentiments dont les motifs sont loin de moi.

II. Lorsque, après la défaite de Brutus et de Cassius, la cause publique fut désarmée, que Pompée[1] eut succombé en Sicile, que l’abaissement de Lépide et la mort violente d’Antoine n’eurent laissé au parti même de César d’autre chef qu’Auguste, celui-ci abdiqua le nom de triumvir, s’annonçant comme simple consul, et content, disait-il, pour protéger le peuple, de la puissance tribunitienne. Quand il eut gagné les soldats par des largesses, la multitude par l’abondance des vivres, tous par les douceurs du repos, on le vit s’élever insensiblement et attirer à lui l’autorité du sénat, des magistrats, des lois. Nul ne lui résistait : les plus fiers républicains avaient péri par la guerre ou la proscription ; ce qui restait de nobles trouvaient, dans leur empressement à servir, honneurs et opulence, et, comme ils avaient gagné au changement des affaires, ils aimaient mieux le présent et sa sécurité que le passé avec ses périls. Le nouvel ordre des choses ne déplaisait pas non plus aux provinces, qui avaient en défiance le gouvernement du Sénat et du peuple, à cause des querelles des grands et de l’avarice des magistrats, et qui attendaient peu de secours des lois, impuissantes contre la force, la brigue et l’argent.

III. Auguste, pour donner des appuis à sa domination, éleva aux dignités d’édile curule et de pontife Claudius Marcellus[2], fils de sa sœur, à peine entré dans l’adolescence, et honora de deux consulats consécutifs M. Agrippa, d’une naissance obscure, mais grand homme de guerre et compagnon de sa victoire ; il le prit même pour gendre[3], après la mort de Marcellus, et il décora du titre d’Imperator les deux fils de sa femme,

  1. Sextus Pompée
  2. C’est ce jeune Marcellus, tant célébré dans les beaux vers de Virgile, Énéide, VI, 860 et suiv. Il était fils d’Octavie, et il avait épousé Julie, fille d’Auguste. Il mourut à vingt ans, l’an de Rome 731.
  3. Agrippa eut de la fille d’Auguste Agrippine, femme de Germanicus, la seconde Julie, les Césars Caïus et Lucius, et enfin Postumus, qui naquit après la mort de son père. D’une première femme, Attica, fille de Pomponius Atticus, il avait déjà eu Vipsania Agrippina, épouse de Tibère et mère du jeune Drusus, qui fut depuis empoisonné par Séjan.