Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/324

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quelques esprits, lorsque la suivante, guérie de sa blessure, découvrit la vérité. Octavius, en sortant du tribunat17, fut cité devant les consuls par le père de sa victime, et condamné par le sénat, d’après la loi sur les assassins.

17. On ne pouvait mettre en jugement un magistrat qu’après l’expiration de sa charge.

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Une impudicité non moins scandaleuse signala cette année, et fut pour la république le commencement de grands malheurs. Il y avait à Rome une femme nommée Sabina Poppéa : fille de T. Ollius, elle avait pris le nom de son aïeul maternel Poppéus Sabinus, dont la mémoire, plus illustre, brillait des honneurs du consulat et du triomphe ; car Ollius n’avait pas encore rempli les hautes dignités, quand l’amitié de Séjan le perdit. Rien ne manquait à Poppée, si ce n’est une âme honnête. Sa mère, qui surpassait en beauté toutes les femmes de son temps, lui avait transmis tout ensemble ses traits et l’éclat de son nom. Ses richesses suffisaient à son rang ; son langage était poli, son esprit agréable. Cachant, sous les dehors de la modestie, des mœurs dissolues, elle paraissait rarement en public, et toujours à demi voilée, soit pour ne pas rassasier les regards, soit qu’elle eût ainsi plus de charmes. Prodigue de sa renommée, elle ne distingua jamais un amant d’un époux ; indépendante de ses affections comme de celles d’autrui, et portant, où elle voyait son intérêt, ses changeantes amours. Elle était mariée au chevalier romain Rufius Crispinus, dont elle avait un fils, lorsqu’ Othon la séduisit par sa jeunesse, son faste, et la réputation qu’il avait d’être le favori le plus aimé de Néron. L’adultère fut bientôt suivi du mariage.

Néron éloigne le mari Othon

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Othon ne cessait de vanter à Néron la beauté et les grâces de son épouse, indiscret par amour, ou voulant peut-être allumer les désirs du prince, dans l’idée que la possession de la même femme serait un nouveau lien qui assurerait son crédit. Souvent un l’entendit répéter, en quittant la table de César, "qu’il allait revoir ce trésor accordé à sa flamme, cette noblesse, cette beauté, l’objet des vœux de tous, la joie des seuls favoris du sort." De telles amorces eurent bientôt produit leur effet. Admise au palais, Poppée établit son empire par les caresses et la ruse : elle feint de ne pouvoir maîtriser son ardeur, d’être éprise de la figure de Néron ; puis quand elle voit que la passion du prince est assez vive, elle prend de la fierté ; s’il veut la retenir plus d’une ou deux nuits, elle représente "