Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/342

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des habitudes étrangères, une jeunesse dont les gymnases, le désoeuvrement et d’infâmes amours se partageraient la vie ; et cela par la volonté du prince et du sénat, qui, non contents de tolérer le vice, en faisaient une loi. Que les grands de Rome allassent donc, sous le nom de poëtes et d’orateurs se dégrader sur la scène. Que leur restait-il à faire, sinon de jeter leurs vêtements, de prendre le ceste, et de renoncer, pour les combats de l’arène, à la guerre et aux armes ? En seraient-ils des augures plus savants et les chevaliers en rempliraient-ils mieux les nobles fonctions de juges, pour avoir entendu en connaisseurs des voix mélodieuses et des chants efféminés ? Les nuits mêmes étaient ajoutées aux heures du scandale, afin que pas un instant ne fût laissé à la pudeur, et que, dans ces confus rassemblements ce que le vice aurait convoité pendant le jour, il l’osât au milieu des ténèbres."

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C’était cette licence même qui plaisait au plus grand nombre, et cependant ils couvraient leur secrète pensée de prétextes honnêtes. "Nos ancêtres, disaient-ils, ne s’étaient pas refusé plus que nous le délassement des spectacles, et ils en avaient de conformes à leur fortune : c’est ainsi que des Étrusques ils avaient pris les histrions, des Thuriens5 les courses de chevaux. Maîtres de la Grèce et de l’Asie, ils avaient donné plus de pompe à leurs jeux, sans qu’aucun Romain de naissance honnête se fût abaissé jusqu’aux arts de la scène, pendant les deux siècles écoulés depuis le triomphe de Mummius, qui le premier avait montré à Rome ces spectacles nouveaux. C’était au reste par économie qu’on avait bâti un théâtre fixe et durable, au lieu de ces constructions éphémères que chaque année voyait s’élever à grands frais. Plus de nécessité aux magistrats d’épuiser leur fortune à donner des spectacles grecs, plus de motifs aux cris du peuple pour en obtenir des magistrats, lorsque l’État ferait cette dépense. Les victoires des poëtes et des orateurs animeraient les talents et quel juge, enviant à son oreille un plaisir légitime, serait fâché d’assister à ces nobles exercices de l’esprit ? C’était à la joie, bien plus qu’à la licence, que l’on consacrait quelques nuits en cinq ans, nuits éclairées de tant de feux, qu’elles n’auraient plus d’ombres pour cacher le désordre." Il est certain