Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/343

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que cette fête passa sans laisser après elle aucune éclatante flétrissure. Le peuple même ne se passionna pas un instant. C’est que les pantomimes, quoique rendus à la scène, n’étaient pas admis dans les jeux sacrés. Personne ne remporta le prix de l’éloquence ; mais Néron fut proclamé vainqueur. L’habillement grec, avec lequel beaucoup de personnes s’étaient montrées pendant la durée des fêtes, fut quitté aussitôt.

5. Thurium, bâtie après la destruction de Sybaris et non loin de ses ruines, était située entre les rivières de Crathis et de Sybaris, prés du golfe de Tarente.

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Il parut dans ce temps une comète, présage, aux yeux du peuple, d’un règne qui va finir. A cette vue, comme si Néron eût été déjà renversé du trône, les pensées se tournèrent vers le choix de son successeur. Toutes les voix proclamaient Rubellius Plautus, qui par sa mère tirait sa noblesse de la famille des Jules. Attaché aux maximes antiques, Plautus avait un extérieur austère ; sa maison était chaste, sa vie retirée ; et plus il s’enveloppait d’une prudente obscurité, plus la renommée le mettait en lumière. Les conjectures non moins vaines auxquelles donna lieu un coup de tonnerre accrurent encore ces rumeurs : comme Néron soupait auprès des lacs Simbruins, dans le lieu nommé Sublaqueum6, les mets furent atteints de la foudre, et la table fracassée ; or, cet événement étant arrivé sur les confins de Tibur, d’où Plautus tirait son origine paternelle, on en conclut que la volonté des dieux le destinait à l’empire. Il eut même des courtisans parmi ces hommes qu’une politique intéressée et souvent trompeuse hasarde les premiers au devant des fortunes naissantes. Néron alarmé écrivit à Plautus "de pourvoir au repos de la ville, et de se dérober à la méchanceté de ses diffamateurs ; qu’il avait en Asie des domaines héréditaires, où, loin des dangers et du trouble, il jouirait en paix de sa jeunesse." Plautus partit avec sa femme Antistia et quelques amis. A la même époque, une recherche indiscrète de plaisir valut à Néron infamie et péril : il avait nagé dans la fontaine d’où l’eau Marcia7 est amenée à Rome, et l’on croyait qu’en y plongeant son corps il avait profané une source sacrée, et violé la sainteté du lieu. Une maladie qui vint à la suite parut un témoignage de la colère céleste.

6. Tacite, liv. XI, ch. XI, a fait mention des monts Simbruins. Pline parle de trois lacs fort agréables formés par l’Anio, ou Téveron, qui ont donné le nom au lieu appelé Sublaqueum.
7. L’eau Marcia est un des plus célèbres aqueducs de l’ancienne Rome. La source était dans les montagnes des Péligniens. On voit encore, près de Rome, des ruines imposantes de cet aqueduc.

A l’extérieur

Corbulon en Arménie

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