Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/367

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que les grands empires se soutenaient ; il fallait des hommes, des armes, des combats. Entre puissances, l’équité, c’est la force. Conserver ce qui est ; à soi, suffit à un particulier ; combattre pour ce qui est à d’autres, c’est la gloire d’un roi."

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Entraîné par tous ces motifs, Vologèse assemble son conseil, place Tiridate auprès de lui, et parle en ces termes : "Ce prince, né du même père que moi, m’ayant, à cause de mon âge, cédé la couronne la plus noble, je l’ai mis en possession de l’Arménie, troisième trône de notre famille ; car Pacorus occupait déjà celui des Mèdes. Je croyais avoir ainsi préservé notre maison des haines et des rivalités qui de tout temps régnèrent entre frères. Les Romains s’y opposent ; et la paix, qu’ils ne troublèrent jamais impunément, ils la rompent encore aujourd’hui pour leur perte. Je l’avouerai, c’est par l’équité plutôt que par le sang, par les négociations plutôt que par les armes, que j’ai voulu, d’abord conserver les conquêtes de mes ancêtres. Si ce délai fut une faute, mon courage la réparera. Votre force, du moins, et votre gloire sont entières ; et vous avez de plus l’honneur de la modération, que les mortels les plus grands ne doivent pas dédaigner, et qui a son prix chez les dieux." Ensuite il ceint du diadème le front de Tiridate, donne à Monèse, un des nobles, sa garde à cheval avec les auxiliaires de l’Adiabénie, et commande qu’on chasse Tigrane de l’Arménie : lui-même, après s’être réconcilié avec les Hyrcaniens, lève au cœur de ses États une armée formidable, et menace les provinces romaines.

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Corbulon, instruit de ces faits par des rapports certains, envoie au secours de Tigrane Vérulanus Sévérus et Vettius Bolanus à la tête de deux légions, avec l’ordre secret de mettre dans leurs mouvements plus de précaution que de rapidité ; car il aimait mieux avoir la guerre que de la faire. Il avait même écrit à l’empereur qu’il fallait un chef particulier pour défendre l’Arménie ; que la Syrie menacée par Vologèse, était dans un danger plus pressant. En attendant, il place le reste de ses légions sur la rive de l’Euphrate, arme un corps levé à la hâte dans la province, ferme avec des troupes les passages par où l’ennemi pouvait pénétrer, et, comme le pays est presque sans eau, il s’assure des sources en y élevant des forts ; il ensevelit aussi quelques ruisseaux sous des amas de sable.

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Pendant que Corbulon mettait ainsi la Syrie à rouvert, Monèse voulut, par une marche rapide, devancer jusqu’au