Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/370

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Enfin les javelots des soldats jetèrent des flammes, prodige d’autant plus frappant que c’est avec des armes de trait que combattent les Parthes.

8

Pétus méprisa ces présages, et, sans avoir achevé ses fortifications, sans avoir pourvu aux subsistances, il entraîna l’armée au delà du mont Taurus, afin, disait-il, de reprendre Tigranocerte et de ravager des pays que Corbulon avait laissés intacts. Il prit en effet plusieurs forts, et il eût remporté quelque gloire et quelque butin, s’il eût su chercher l’une avec mesure et prendre soin de l’autre. Après avoir parcouru de vastes espaces qu’on ne pouvait garder, et détruit les provisions qu’on avait enlevées, pressé par l’approche de l’hiver, il ramena ses troupes, et adressa au prince une lettre où, supposant la guerre terminée, il cachait le vide des choses sous la magnificence des paroles.

9

Pendant ce temps, Corbulon, qui n’avait pas un moment négligé la rive de l’Euphrate, la garnit de postes plus rapprochés que jamais ; et, afin que les bandes ennemies, qui déjà voltigeaient avec un appareil redoutable dans la plaine opposée, ne pussent l’empêcher de jeter un pont, il fait avancer sur le fleuve de très-grands bateaux, liés ensemble avec des poutres et surmontés de tours. De là, il repousse les barbares au moyen de balistes et de catapultes, d’où les pierres et les javelines volaient à une distance que ne pouvait égaler la portée de leurs flèches. Le pont est ensuite achevé, et les collines de l’autre rive occupées par les cohortes auxiliaires, ensuite par le camp des légions, avec une telle promptitude et un déploiement de forces si imposant, que les Parthes renoncèrent à envahir la Syrie, et tournèrent vers l’Arménie toutes leurs espérances.

10

Pétus, sans prévoir l’orage qui s’approchait de lui, tenait au loin dans le Pont la cinquième légion, et avait affaibli les autres en prodiguant les congés, lorsqu’il apprit que Vologèse accourait avec une armée nombreuse et menaçante. Il appelle la douzième légion, et ce qui devait faire croire ses forces augmentées ne fit que trahir sa faiblesse. On pouvait toutefois conserver le camp, et déconcerter, en temporisant, les desseins des Parthes, si Pétus avait su marcher en ses conseils ou en ceux d’autrui d’un pas plus constant. Mais à peine des hommes habiles dans la guerre l’avaient-ils fortifié contre un péril imminent, que, afin de paraître n’avoir pas besoin de lumières étrangères, il changeait tout pour faire plus mal.