Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/381

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l’empereur le bandeau royal, et ne le reprendrait que de la main de Néron. Ensuite ils s’embrassent et se séparent. Après quelques jours d’intervalle, on vit se déployer, dans un appareil également imposant, d’un côté les cavaliers parthes, rangés par escadrons et parés des décorations de leurs pays, de l’autre les légions romaines, à la tête desquelles brillaient les aigles, les enseignes, et les images des dieux, dont l’aspect donnait à ce lieu la majesté d’un temple. Au centre s’élevait un tribunal, surmonté d’une chaise curule où était placée la statue de Néron. Tiridate, après avoir, suivant l’usage, immolé des victimes, s’avance, détache le diadème de sa tète, et le dépose aux pieds de la statue ; spectacle qui remua profondément toutes les âmes, et dont l’impression fut d’autant plus vive, qu’on avait encore devant les yeux le massacre ou le siège des armées romaines. "Mais combien était changé le cours des destins ! Tiridate allait se montrer aux nations ; et que manquait-il pour que ce fût en captif ? "

Aux soins de la gloire, Corbulon joignit les attentions de la politesse et donna un festin. Le roi, à chaque objet nouveau qui frappait ses regards, lui en demandait l’explication : "Pourquoi un centurion annonçait-il le commencement des veilles d’où venait l’usage de se lever de table au son de la trompette, d’aller, avec une torche, allumer le feu sur un autel construit devant l’augural ? " Corbulon, par des réponses où les paroles agrandissaient les choses, le remplit d’admiration pour nos anciennes coutumes. Le lendemain, Tiridate demanda que, avant d’entreprendre un si long voyage, il lui fût permis d’aller voir ses frères et sa mère. En attendant, il laissa sa fille en otage, avec une lettre suppliante pour Néron.

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Il part, et trouve Pacorus chez les Mèdes, Vologèse à Ecbatane12. Ce roi n’oubliait pas son frère. Il avait même, par des envoyés particuliers, demandé à Corbulon "qu’on lui épargnât toutes les formes de la servitude, qu’il ne rendit point son épée, qu’il fût admis à embrasser les gouverneurs de nos provinces, dispensé d’attendre à leur porte, traité à Rome avec la même distinction que lest consuls." C’est que Vologèse, accoutumé à l’orgueil des cours étrangères, ne connaissait pas l’esprit des Romains, pour qui la réalité du pouvoir est tout, ses vanités peu de chose.

12. Ecbatane, capitale de la Grande-Médie, maintenant Ramadan, ville considérable de l’Irak-Adjemi.

Quelques mesures de Néron en 63

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