Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/410

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la fille sur son aïeule et son père, ils souhaitaient à l’envi que leur âme achevât promptement de s’exhaler, afin de laisser les objets de leur tendresse encore vivants, quoique si près de mourir. Le sort garda l’ordre de la nature : la plus âgée expira d’abord ; la plus jeune s’éteignit la dernière. Mis en jugement après leurs funérailles, ils furent condamnés au genre de supplice usité chez nos ancêtres, et Néron, intervenant, leur permit un trépas de leur choix : c’est ainsi qu’à des meurtres consommés on ajoutait la dérision.

12

L. Gallus, chevalier romain, intime ami de Fénius, et qui n’avait pas été sans liaisons avec Vétus, fut puni par l’interdiction du feu et de l’eau. L’affranchi et l’accusateur eurent, pour salaire, une place au théâtre parmi les viateurs des tribuns2. Le mois d’avril portait déjà le nom de Néron ; on donna celui de Claudius à mai, celui de Germanicus à juin. Cornélius Orfitus, qui proposa ces changements, protestait que, s’il ne voulait pas qu’un mois s’appelât juin, c’était parce que déjà deux Torquatus, mis à mort pour leurs crimes, avaient rendu sinistre le nom de Junius.

2. Les fonctions du viateur consistaient particulièrement à accompagner les tribuns et les édiles.

Epidémies et catastrophes

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Cette année souillée de tant de forfaits, les dieux la signalèrent encore par les tempêtes et les épidémies. La Campanie fut ravagée par un ouragan qui emporta métairies, arbres, moissons. Ce fléau promena sa violence jusqu’aux portes de Rome, tandis qu’au dedans une affreuse contagion étendait ses ravages sur tout ce qui respire. On ne voyait aucun signe de corruption dans l’air, et cependant les maisons se remplissaient de cadavres, les rues de funérailles : ni sexe, ni âge n’échappait au péril ; la multitude, esclave ou libre, était moissonnée avec une égale rapidité ; ils expiraient au milieu des lamentations de leurs femmes et de leurs enfants, qui, frappés à leur chevet, atteints en pleurant leur trépas, étaient souvent brûlés sur le même bûcher. Les morts des chevaliers et des sénateurs, quoique aussi nombreuses, étaient moins déplorables : la mortalité commune semblait les dérober à la cruauté du prince. La même année on fit des levées dans la Gaule narbonnaise, dans l’Asie et dans l’Afrique, afin de recruter les légions d’Illyrie, d’où l’on congédia les soldats fatigués par l’âge où les infirmités. Le prince soulagea le désastre de Lyon par le don de quatre millions de sesterces3,