Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/443

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Tout retentissait de cris tumultueux, d’exhortations mutuelles ; et ce n’étaient pas, comme parmi le peuple et la multitude, les vaines clameurs d’une oisive adulation : à mesure qu’ils voient un nouveau compagnon accourir du dehors, c’est à qui lui prendra les mains, l’embrassera de ses armes, le placera près du tribunal, lui dictant le serment, et recommandant tour à tour l’empereur aux soldats, les soldats à l’empereur. Othon de son côté, tendant les mains vers la foule, saluait respectueusement, envoyait des baisers, faisait, pour devenir maître, toutes les bassesses d’un esclave. Quand toute la légion de marine lui eut prêté serment, il prit confiance en ses forces, et, croyant qu’il était bon d’enflammer en commun ceux qu’il n’avait encore animés qu’en particulier, il les harangue ainsi devant les retranchements.

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"Qui suis-je au moment où je parais devant vous, braves compagnons ? je ne saurais le dire. M’appeler homme privé, je ne le dois pas, nommé prince par vous ; prince, je ne le puis, un autre ayant le pouvoir. Votre nom à vous-mêmes sera contesté, tant qu’on doutera si c’est le chef ou l’ennemi de l’empire que vous avez dans votre camp. Entendez-vous comme on demande à la fois mon châtiment et votre supplice ? Tant il est vrai que nous ne pouvons ni périr ni être sauvés qu’ensemble. Et Galba peut-être, avec l’humanité que vous lui connaissez, a déjà promis notre mort ; n’a-t-il pas, sans que personne lui demandât ce crime, égorgé par milliers des soldats innocents ? Mon âme frémit d’horreur en se retraçant la funèbre image de son entrée, et cette journée de carnage, la seule victoire de Galba, où sous les yeux de Rome il faisait décimer des suppliants qu’il avait reçus en grâce. Entré sous de tels auspices, quelle gloire a-t-il apportée au trône impérial, que celle d’avoir tué Obultronius Sabinus et Cornélius Marcellus en Espagne, Bétuus Chilo en Gaule, Capiton en Germanie, Macer en Afrique, Cingonius sur la route, Turpilianus dans la ville, Nymphidius dans le camp ? Quelle province, quelle armée n’est sanglante de sa cruauté, souillée de sa honte, ou, s’il faut l’en croire, épurée, corrigée par ses réformes ? Car ce qui est crime pour d’autres, est remède à ses yeux ; corrupteur du langage qui appelle sévérité la barbarie, économie l’avarice, discipline vos supplices et votre humiliation. Sept mois sont à peine écoulés depuis la fin de Néron, et déjà Icélus a plus ravi de trésors que les Polyclète, les Vatinius, les Hélius22 n’en ont amassé. La tyrannie de Vinius