Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/445

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le parti qui semblait le meilleur était toujours celui dont le moment venait de passer. Laco proposa, dit-on, à l’insu de Galba, de tuer Vinius, soit pour calmer les soldats par le châtiment de cet homme, soit qu’il le crût complice d’Othon, soit enfin pour assouvir sa haine. Le temps et le lieu furent cause qu’on hésita, de peur que le massacre, une fois commencé, ne s’arrêtât plus ; et ce dessein fut rompu par l’effroi des survenants, la dispersion du cortège, la tiédeur de tous ceux qui d’abord étalaient avec le plus d’ostentation leur zèle et leur courage.

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Galba errait à la merci du hasard, emporté par les flots d’une multitude mobile et incertaine, tandis que de toutes les basiliques24, de tous les temples, une foule également pressée regardait ce lugubre spectacle. Et pas une voix ne partait du milieu des citoyens ou de la populace. La stupeur était sur les visages ; les oreilles étaient inquiètes et attentives. Point de tumulte, et cependant point de calme : c’était le silence des grandes terreurs ou des grandes colères. On n’en venait pas moins annoncer à Othon que le peuple s’armait : il ordonne aux siens de courir en toute hâte et de prévenir le danger. Aussitôt le soldat romain, du même zèle que si c’était Vologése ou Pacorus qu’il allât renverser du trône des Arsacides, et non son empereur, un homme sans armes, un vieillard, qu’il voulût massacrer, disperse la multitude, foule aux pieds le sénat, et terrible, le fer en main, courant de toute la vitesse des chevaux, se précipite dans le Forum. Ni l’aspect du Capitole, ni la sainteté de ces temples qui dominaient sur leurs téter, ni les princes passés ou à venir ne détournèrent ces furieux d’un crime qui a son vengeur naturel dans tout successeur à l’empire.

24. On appelait basiliques de grands bâtiments élevés autour du Forum, où se tenaient certains tribunaux, et où les négociants se rendaient pour traiter de leurs affaires.

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En voyant approcher une foule de gens armés, le porte-étendard de la cohorte qui accompagnait Galba (il se nommait, dit-on, Atilius Vergilio) arrache de son enseigne l’image de l’empereur et la jette par terre. A ce signal, tous les soldats se déclarent aussitôt pour Othon. Le peuple en fuite laisse le Forum désert ; les glaives étincellent, et quiconque balance est menacé de la mort. Arrivé prés du lac Curtius25,