Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/451

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de grands hommes qui se disputaient le pouvoir. Et toutefois après la victoire de César, après la victoire d’Auguste, l’empire était resté debout. Sous Pompée et Brutus, la république n’aurait pas cessé d’être. Mais un Othon, mais un Vitellius, pour lequel des deux irait-on dans les temples ? Ah ! toutes les prières seraient impies, tous les vœux sacrilèges entre des rivaux dont le combat n’aboutirait qu’à montrer le plus méchant dans le vainqueur." Quelques-uns voyaient de loin Vespasien, et l’Orient en armes. Mais si on le préférait aux deux autres, on frémissait à l’idée que c’était une guerre et des malheurs de plus. La réputation de Vespasien était d’ailleurs équivoque ; et de tous les princes, il est le premier que le trône ait rendu meilleur.

Soulèvement de Vitellius en Germanie

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J’exposerai maintenant la naissance et les causes du soulèvement de Vitellius. Julius Vindex avait péri avec toutes ses troupes. Ivre de gloire et chargée de butin, l’armée qui, sans fatigue ni péril27, avait remporté cette riche victoire, ne parlait plus que d’expéditions et de batailles ; la solde n’était rien : elle voulait des dépouilles. Elle avait porté longtemps le poids d’un service ingrat et laborieux, dans un pays pauvre, sous un ciel âpre et une discipline sévère : or la discipline, inflexible dans la paix, se relâche dans les discordes civiles, où des deux côtés les corrupteurs sont tout prêts, et les traîtres impunis. Hommes, armes, chevaux, on en avait assez pour le besoin, assez même pour la représentation. Mais avant la guerre chaque soldat ne connaissait que sa centurie ou son escadron ; les limites des provinces séparaient aussi les armées. Depuis que, réunies contre Vindex, les légions eurent appris à se connaître et elles-mêmes et les Gaules, elles cherchaient une nouvelle guerre, de nouvelles dissensions. Ce n’était plus comme auparavant le nom d’alliés qu’elles donnaient aux Gaulois, mais celui d’ennemis et de vaincus. La partie de la Gaule qui touche au Rhin partageait cet esprit. Elle avait embrassé la même cause que l’armée, et c’est de là que partaient maintenant les plus violentes instigations contre les Galbiens : tel est le nom que, par dédain pour Vindex, on avait donné au parti de ce chef. Animé contre les Séquanes, les Éduens et les autres cités, d’une haine qu’il mesurait à leur opulence, le soldat repaissait sa pensée de la prise des villes, de la désolation