Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/454

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De là d’affreux soupçons : on assura qu’ils avaient été massacrés, et que, si on n’y prenait garde, les plus braves soldats, tous ceux qui s’étaient permis quelques plaintes, seraient égorgés dans les ténèbres, à l’insu de leurs camarades. Les légions se donnent secrètement leur foi. La ligue formée, on y reçoit les auxiliaires, qui, suspects d’abord, comme pouvant servir à écraser les légions ainsi enveloppées d’escadrons et de cohortes, furent bientôt les plus ardents à conspirer avec elles : tant l’accord des méchants pour la guerre est plus facile que leur union dans la paix.

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Cependant les légions de la Basse-Germanie prêtèrent à Galba le serment accoutumé des kalendes de janvier. Ce ne fut pas sans hésiter beaucoup, et des premiers rangs seulement partirent quelques acclamations isolées. Dans tous les autres, chacun attendait en silence qu’un plus hardi que soi commentât la révolte ; car telle est la nature de l’homme : on se hâte de suivre un exemple que l’on n’oserait donner. Du reste, l’animosité n’était pas la même dans toutes les légions. La première et la cinquième étaient si agitées qu’on y lança des pierres contre les images de Galba. La quinzième et la seizième, sans rien hasarder que des murmures et des menaces, regardaient autour d’elles si quelqu’un éclaterait. Le signal partit de l’armée du Haut-Rhin. Le jour même des kalendes de janvier, la quatrième et la dix-huitième légion, cantonnées dans le même lieu, brisèrent les images du prince. La quatrième était la plus décidée ; la dix-huitième suivit en hésitant ; bientôt leur ardeur fut égale. Et, afin qu’on ne pût pas dire qu’ils dépouillaient le respect dû à l’autorité suprême, ils invoquèrent dans leur serment les noms depuis longtemps oubliés du sénat et du peuple romain. Pas un des lieutenants ni des tribuns ne fit un effort en faveur de Galba. On en vit même dans ce tumulte se signaler par leur turbulence. Personne ne harangua cependant, ou ne monta sur une tribune : on n’avait point encore auprès de qui s’en vanter.

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Spectateur de ce honteux attentat, le proconsul Hordéonius Flaccus regardait faire, n’osant ni réprimer les séditieux, ni retenir les indécis, ni encourager les bons ; mais lâche, tremblant, et d’une incapacité qui l’absout de trahison. Quatre centurions de la dix-huitième légion, Nonius Réceptus, Donatius Valens, Romilius Marcellus, Calpurnius Répentinus, défendaient les images de Galba ; les soldats les entraînent avec violence et les chargent de fers. Dès lors pas un qui restât