Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/462

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calmer les soldats. Telle est la multitude, sensible à l’impression du moment, et aussi prompte à s’attendrir qu’elle avait été excessive dans sa cruauté. Ils implorèrent Vitellius les larmes aux yeux, et, plus persévérants dans une demande plus juste, ils obtinrent l’impunité et le salut d’une nation proscrite.

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Après être demeuré quelques jours en Helvétie pour attendre la décision de Vitellius et se préparer au passage des Alpes, Cécina reçut d’Italie l’agréable nouvelle que l’aile de cavalerie Syllana, cantonnée sur le Pô, venait de prêter serment à Vitellius. Elle l’avait eu pour général en Afrique lorsqu’il y était proconsul. Mandée par Néron pour le précéder en Égypte, rappelée ensuite à cause du soulèvement de Vindex et restée en Italie, elle fut entraînée par ses décurions,’qui, ne connaissant pas Othon, et devant tout à Vitellius, ne parlaient que des forces redoutables qui s’avançaient à grands pas et de la haute renommée des légions germaniques. Ce corps fit donc sa soumission, et, pour offrir son présent au nouveau prince, il lui donna les meilleures places du pays au delà du Pô, Milan, Novarre, Ivrée, Verceilles. Cécina en fut instruit par eux-mêmes ; et, comme la plus vaste contrée de l’Italie ne pouvait être défendue par une seule division de gens à cheval, il y envoya ses cohortes de Gaulois, de Lusitaniens, de Bretons, et les vexillaires germains avec l’aile Pétrina. Il balança quelque temps s’il irait lui-même par les montagnes de Rhétie attaquer en Norique le procurateur Pétronius, qu’on croyait dévoué à la cause d’Othon, parce qu’il rassemblait des forces et rompait les ponts. Mais il craignit de perdre les cohortes et la cavalerie envoyées en avant ; il pensa d’ailleurs qu’il y aurait plus de gloire à conserver l’Italie, et que, quel que fût le théâtre des combats, la Norique serait une des conquêtes de la victoire. Il prit donc le chemin des Alpes Pennines, et cette pesante infanterie légionnaire franchit, pendant que l’hiver y régnait encore, ces sommets escarpés.

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Othon cependant, contre l’attente générale, ne languissait pas dans les délices ni dans la mollesse. Il remit les plaisirs à un autre temps, et, dissimulant son goût pour la débauche, il sut mettre dans toute sa conduite la dignité du rang suprême : nouveau sujet de crainte pour qui songeait que ces vertus étaient fausses, et que les vices reviendraient. J’ai dit que, pour soustraire le consul désigné Marius Celsus à la fureur des soldats, il avait pris le prétexte de le