Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/473

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soldats de marine échappés au massacre du pont Milvius, et en, formant avec ces débris le cadre d’une légion. En même temps, il avait donné aux autres l’espoir de parvenir comme eux à un service plus honoré. Avec les troupes navales, il embarqua les cohortes urbaines et un grand nombre de prétoriens qui devaient être le nerf et la force de l’armée, les conseillers et les surveillants des généraux mêmes. La conduite de l’expédition fut confiée aux primipilaires Antonius Novellus et Suédius Clémens, et au tribun Émilius Pacensis, destitué par Galba, rétabli par Othon. L’affranchi Oscus conserva l’intendance de la flotte, avec une inspection secrète sur des hommes plus honorables que lui. Quant à l’armée de terre, Suétonius Paullinus, Marius Celsus et Annius Gallus furent désignés pour la commander. Mais l’homme de confiance était Licinius Proculus, préfet du prétoire. A Rome officier vigilant, à la guerre chef sans expérience, Proculus accusait tour à tour le crédit de Suétonius, la vigueur de Celsus, la maturité de Gallus, et, en faisant un crime à chacun de ses avantages, il obtenait le facile triomphe de la méchanceté adroite sur la vertu modeste.

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En ce même temps, Cornélius Dollabella fut confiné dans la colonie d’Aquinum45 et soumis à une surveillance qui n’était ni étroite ni déguisée. On ne trouvait aucun reproche à lui faire ; mais l’ancienneté de son nom et sa parenté avec Galba le désignaient aux soupçons. Othon donna ordre à beaucoup de magistrats, à une grande partie des consulaires, de se tenir prêts à le suivre, non pour partager les périls ou les soins de la guerre, mais sous le seul prétexte de l’accompagner. De ce nombre était L. Vitellius : Othon fut le même pour lui que pour les autres, sans le traiter comme le frère ni d’un empereur ni d’un ennemi. Cependant les alarmes redoublèrent dans Rome : nul ordre qui fût à l’abri de la crainte ou du péril. Les premiers du sénat étaient affaiblis par l’âge et engourdis par une longue paix ; la noblesse avait désappris la guerre au sein de l’oisiveté ; les chevaliers ne l’avaient jamais sue ; chacun s’efforçait de cacher et de renfermer sa frayeur, et leurs efforts ne faisaient que la trahir. Ce n’est pas qu’on n’en vît au contraire, qui, par une folle vanité, achetaient de belles armes et de superbes chevaux, ou composaient leur équipage de guerre de tout l’attirail d’une table somptueuse et