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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/484

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les Othoniens sur Albingaunum5, bien avant dans la Ligurie.

5. Mot composé de Albium Ingaunum, comme Albintemelium d’Albium Intermelium. Ce nom subsiste dans celui d’Albenga.

16

La renommée de la flotte victorieuse retint dans le parti d’Othon la Corse, la Sardaigne et les autres îles de cette mer. Toutefois le procurateur Décimus Pacarius pensa bouleverser la Corse par une témérité qui, sans pouvoir jamais influer sur le succès d’une si grande guerre, aboutit à le perdre. Ennemi d’Othon, il voulut aider Vitellius des forces de son gouvernement ; vaine assistance, quand même elle eût été effective. Il convoqua les principaux de l’île et leur exposa son dessein. Claudius Phirricus, qui commandait la station des galères, et Quinctius Certus, chevalier romain, ayant osé le combattre, il les fit tuer, épouvantée de leur mort, l’assemblée prêta serment à Vitellius et fut suivie de la foule ignorante, qui cédait en aveugle à une peur étrangère. Mais, quand Pacarius eut commencé à faire des levées et à soumettre ces hommes presque sauvages aux pénibles exercices du soldat, alors, maudissant une fatigue inaccoutumée, ils songèrent à leur faiblesse : "C’était une île qu’ils habitaient ; la Germanie était loin d’eux, avec la masse des légions ; et la flotte n’avait-elle pas pillé, ravagé les pays même que protégeaient les escadrons et les cohortes t ? " Ces réflexions aliénèrent tout à coup les esprits. Cependant on n’eut pas recours à la force ouverte. On épia le moment d’une surprise, et, à l’heure où tout le monde était retiré de sa maison, Pacarius nu et sans défense fut tué dans le bain. Les amis de sa suite furent massacrés après lui. Les meurtriers portèrent eux-mêmes leurs têtes à Othon, comme les trophées d’une victoire. Du reste ni Othon ne les récompensa, ni Vitellius ne les punit : dans la confusion générale de toutes choses, des crimes plus grands les firent oublier.

17

La cavalerie Syllana, comme je l’ai déjà dit, avait ouvert à la guerre les barrières de l’Italie. Othon n’avait dans le pays aucun ami : ce n’est pas non plus que les habitants préférassent Vitellius ; mais une longue paix les avait rompus à toute espèce de servitude, et ils se donnaient au premier occupant, sans s’inquiéter s’il était le plus digne. La plus florissante contrée de l’Italie, tout ce que le Pô d’un côté, les Alpes de l’autre, embrassent de villes et de campagnes, était occupé