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annales, livre i.

tes ; les enseignes, réunies au commencement de la sédition, sont reportées chacune à sa place.

XXIX. Drusus, au lever du jour, convoque les soldats, et, avec une dignité naturelle qui lui tenait lieu d’éloquence, il condamne le passé, loue le présent ; déclare « qu’il est inaccessible à la terreur et aux menaces ; que, s’il les voit soumis, s’il entend de leur bouche des paroles suppliantes, il écrira à son père d’accueillir avec bonté les prières des légions. » Sur leur demande, le fils de Blésus est envoyé une seconde fois vers Tibère avec L. Apronius, chevalier romain de la suite de Drusus, et Justus Catonius, centurion primipilaire[1]. Les avis furent ensuite partagés : les uns voulaient qu’on attendît le retour de ces députés, et que dans l’intervalle on achevât de ramener le soldat par la douceur. D’autres penchaient pour les remèdes violents, soutenant « que la multitude était toujours extrême ; terrible, si elle ne tremble, et une fois qu’elle a peur, se laissant impunément braver ; qu’il fallait ajouter aux terreurs de la superstition la crainte du pouvoir, en faisant justice des chefs de la révolte. » Drusus était naturellement enclin à la rigueur : il mande Vibulénus et Percennius, et ordonne qu’on les tue. La plupart disent que leurs corps furent enfouis dans la tente du général, plusieurs qu’on les jeta hors du camp, en spectacle aux autres.

XXX. Ensuite on rechercha les principaux séditieux. Plusieurs, épars dans la campagne, furent tués par les centurions ou les prétoriens. Les manipules eux-mêmes, pour gage de leur fidélité, en livrèrent quelques-uns. Un hiver prématuré causait aux soldats de nouvelles alarmes : des pluies affreuses et continuelles les empêchaient de sortir des tentes et de se rassembler ; à peine pouvaient-ils préserver leurs enseignes des coups de vent et des torrents d’eau qui les emportaient. Ajoutons la colère céleste, dont la crainte durait encore : « Ce n’était pas en vain qu’ils voyaient les astres pâlir, et les tempêtes se déchaîner sur leurs têtes impies. Le seul remède à tant de maux était d’abandonner un camp dévoué au malheur et souillé par le crime, et de se soustraire à la vengeance des dieux en regagnant leurs quartiers d’hiver. » La neuvième demandait à grands cris qu’on attendît la réponse de

  1. Le centurion primipilaire (le premier de tous) avait rang immédiatement après les tribuns.