Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/495

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Le combat finit par la fuite des navires qui purent s’en arracher. On demandait la mort de Macer. Déjà il avait reçu de loin un coup de lance, et on fondait sur lui l’épée nue à la main, lorsque les tribuns et les centurions accoururent et le couvrirent de leurs corps. Bientôt après, Spurina, sur l’ordre d’Othon, ayant laissé à Plaisance un simple détachement, arrive avec ses cohortes. Othon envoya ensuite le consul désigné Flavius Sabinus commander les troupes qu’avait eues Macer, à la grande joie des soldats, qui aimaient à changer de chefs, tandis que les chefs, lassés de tant de séditions, avaient en dégoût ces périlleux commandements.

Remplacer Othon et Vitellius ?

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Je trouve dans quelques auteurs qu’effrayées des maux de la guerre, ou également dégoûtées de deux princes dont la voix publique proclamait chaque jour plus hautement les bassesses et la honte, les deux armées balancèrent si elles ne poseraient pas les armes pour élire de concert un empereur ou en remettre le choix au sénat. C’est dans cette vue, ajoute-t-on, que les chefs othoniens avaient conseillé des lenteurs et des délais dont la principale chance était pour Suétonius, le plus ancien des consulaires, capitaine habile, et auquel ses exploits en Bretagne avaient mérité un nom glorieux. Je le reconnaîtrai volontiers : quelques-uns, dans leurs vœux secrets, préféraient sans doute la paix à la discorde, un prince bon et vertueux aux plus méchants et aux plus déshonorés des hommes ; mais je ne crois pas que Suétonius, avec ses lumières, et dans un siècle aussi corrompu, ait assez compté sur la modération de la multitude pour espérer que ceux qui avaient troublé la paix par amour de la guerre renonceraient à la guerre par enthousiasme pour la paix ; et il me semble difficile que des armées différentes de mœurs et de langage se soient accordées dans un si grand dessein, ou que des lieutenants et des chefs, dont la plupart se sentaient abîmés par le luxe, l’indigence et le crime, eussent souffert un prince qu’une communauté de souillures et des liens de reconnaissance ne leur eussent pas asservi.

Digression de Tacite

38

La passion du pouvoir, de tout temps enracinée au cœur des mortels, grandit avec la république et rompit enfin toutes les barrières. Tant que l’État fut borné, l’égalité se maintint facilement ; mais après la conquête du monde, quand les cités et les rois qui nous disputaient l’empire furent abattus, et que l’ambition put à loisir convoiter les fruits d’une grandeur désormais hors d’atteinte, alors s’allumèrent les premiè