Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/502

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taient les soldats qui, dans un accès d’emportement et de licence, menaçaient de la mort ceux qui voulaient partir. Leur violence éclatait surtout contre Virgrnius, qu’ils tenaient assiégé dans sa maison. Le prince, après avoir réprimandé les auteurs de la sédition, rentra chez lui et se prêta aux adieux de ses amis, assez longtemps pour que tous partissent sans éprouver d’insulte. Aux approches de la nuit, il eut soif et but de l’eau fraîche. Puis, s’étant fait apporter deux poignards, il en essaya la pointe et en mit un sous son chevet. Il s’assura une dernière fois du départ de ses amis, et passa une nuit tranquille, et qui, dit-on, ne fut pas sans sommeil Quand le jour parut, il se laissa tomber sur le fer. Au gémissement qu’il poussa en mourant, ses affranchis, ses esclaves et le préfet Plotius accoururent et le trouvèrent percé d’un seul coup. On hâta ses funérailles. Il l’avait recommandé avec une prévoyante sollicitude, de peur que sa tête ne fût séparée du corps et livrée aux outrages. Los cohortes prétoriennes le portèrent au bûcher, avec des éloges et des larmes, baisant sa blessure et ses mains. Quelques soldats se tuèrent auprès du bûcher même ; et ce n’était chez eux ni remords ni crainte, mais émulation d’héroïsme et attachement à leur prince. Bientôt à Bédriac, à Plaisance et dans les autres camps, un entraînement général multiplia ces trépas volontaires. Un tombeau fut élevé à Othon, simple et qui devait durer.

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C’est ainsi qu’il finit sa vie à l’âge de trente-sept ans. Sa famille sortait du municipe de Férentinum12. Son père fut consul, son aïeul préteur. Son origine maternelle, moins illustre, n’était pourtant pas sans éclat. Enfant et jeune homme, il fut tel que nous l’avons montré. Deux actes fameux, un crime horrible et un beau sacrifice, ont valu à sa mémoire autant d’éloges que de censures. Rechercher le merveilleux et amuser de fictions l’esprit des lecteurs, serait trop au-dessous de la gravité de cet ouvrage. Mais il est des traditions si accréditées que je n’oserais les traiter de fables. Le jour que l’on combattit à Bédriac, un oiseau d’une forme extraordinaire s’abattit, si l’on en croit les habitants de Régium Lépidum13, dans un bois très fréquenté près de cette ville. Ni le concours du peuple, ni une multitude d’oiseaux voltigeant