Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/519

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par son exemple, usant plus souvent de persuasion que de contrainte, et dissimulant les vices de ses amis plutôt que leurs vertus. Il distribua des charges de procurateurs et de préfets ; il décora de la dignité sénatoriale beaucoup d’hommes que d’éminentes qualités élevèrent bientôt aux premiers honneurs : il en est toutefois à qui leur bonne fortune tint lieu de mérite. Quant au don militaire, Mucien dans sa première harangue ne l’avait que laissé entrevoir, et Vespasien lui-même n’offrit pas plus pour la guerre civile que d’autres en pleine paix : ennemi sagement inflexible de ces largesses qui corrompent le soldat, et par cela même mieux obéi de son armée. Des ambassadeurs furent envoyés chez le Parthe et l’Arménien, et l’on pourvut à ce que les légions employées à la guerre civile ne laissassent point derrière elles les frontières découvertes. Il fut réglé que Titus pousserait les succès en Judée, et que Vespasien garderait les barrières de l’Égypte. On crut que c’était assez contre Vitellius qu’une partie des troupes, Mucien pour chef, le nom de Vespasien, et une puissance qui triomphe de tout, les destins. Des lettres écrites à toutes les armées, à tous les lieutenants, recommandaient de mettre à profit la haine des prétoriens contre Vitellius, et de les gagner par l’espoir de rentrer sous le drapeau.

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A la tête d’une troupe légère, Mucien s’avançait en homme associé à l’empire, plutôt qu’en ministre d’un empereur ; ne marchant ni trop lentement, de peur de sembler timide, ni trop vite, afin de laisser de l’espace aux progrès de la renommée : car il savait que ses forces étaient médiocres, et que l’opinion grossit ce que les yeux ne voient pas. Du reste, la sixième légion et treize mille vexillaires suivaient en un formidable appareil. Il avait ordonné que la flotte du Pont fût amenée à Byzance, incertain si, laissant de côté la Mésie, il n’irait pas avec son armée de terre occuper Dyrrachium, tandis qu’avec des vaisseaux longs il fermerait la mer qui baigne l’Italie. Ainsi seraient couvertes derrière lui la Grèce et l’Asie, exposées sans défense à Vitellius à moins qu’on n’y laissât des forces ; ainsi Vitellius lui-même ne saurait quelle partie de l’Italie protéger de ses armes, quand il verrait à la fois Brindes, Tarente, les rivages de Lucanie et ceux de Calabre, menacés par des flottes ennemies.

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Les provinces retentissaient donc de préparatifs en tout genre, vaisseaux, armes, soldats. Mais rien ne les fatiguait autant que les poursuites fiscales. Mucien répétait sans