Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/521

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Ce fut surtout par l’influence d’Antonius Primus. Coupable devant les lois et condamné sous Néron pour crime de faux, cet homme (et ce fut un des maux de la guerre) avait recouvré le rang de sénateur. Chargé par Galba du commandement de la septième légion, il passait pour avoir écrit à Othon lettres sur lettres, s’offrant d’être un des chefs de son parti. Dédaigné par Othon, il n’eut aucun emploi dans cette guerre. Quand il vit chanceler la fortune de Vitellius, il suivit celle de Vespasien et mit un grand poids dans la balance ; brave de sa personne, parlant avec facilité, habile artisan de haines, puissant auteur de discordes et de séditions, mêlant les vols et les largesses, détestable dans la paix, moins à mépriser dans la guerre. Fortes de leur union, les armées de Mésie et de Pannonie entraînèrent les soldats de Dalmatie, quoique les lieutenants consulaires ne fissent aucun mouvement. C’étaient pour la Pannonie Titus Ampius Flavianus, et pour la Dalmatie Poppéus Silvanus, riches et vieux l’un et l’autre. Mais près d’eux était un procurateur dans la force de l’âge et d’une grande naissance, Cornelius Fuscus. Dans sa première jeunesse, séduit par l’amour du repos, Fuscus avait abdiqué la dignité sénatoriale. Il donna sa colonie au parti de Galba, et ce service le fit procurateur. Passé sous les drapeaux de Vespasien, il fut le plus ardent à secouer les brandons de la guerre. Ami des dangers moins pour les fruits qu’on en tire que pour les dangers mêmes, il préférait à des avantages sûrs et anciennement acquis d’incertaines et hasardeuses nouveautés. On s’applique donc à remuer tous les mécontentements, à aigrir toutes les blessures. Des lettres sont adressées en Bretagne à la quatorzième légion, en Espagne à la première, parce qu’elles avaient tenu pour Othon contre Vitellius ; des écrits sont répandus dans les Gaules, et l’espace d’un moment a vu s’allumer une guerre formidable où déjà les armées illyriques ont levé l’étendard, et les autres sont prêtes à suivre la fortune.

Othon rentre lentement vers Rome

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Pendant que les choses étaient ainsi conduites dans les provinces par Vespasien et les chefs de son parti, Vitellius, plus méprisé de jour en jour et plus indolent, ne passant ni maison de plaisance ni ville un peu agréable sans y amuser sa paresse, traînait vers Rome sa marche pesante. A sa suite venaient soixante mille soldats corrompus par la licence, un plus grand nombre de valets d’armée, de tous les esclaves la plus insolente espèce, un cortège immense d’officiers et de courtisans, gens incapables d’obéir quand l’esprit