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annales, livre i.

sirent le bras et le retinrent de force. Des séditieux qui se pressaient à l’extrémité de l’assemblée, et dont plusieurs, chose à peine croyable, s’avancèrent exprès hors de la foule, l’exhortaient à frapper ; et un soldat, nommé Calusidius, lui offrit son épée nue, en disant qu’elle était plus tranchante. Ce trait parut cruel et révoltant, même aux plus furieux ; et il y eut un moment de relâche dont les amis de César profitèrent pour l’entraîner dans la tente.

XXXVI. Là il fut délibéré sur le choix des remèdes : on annonçait que les mutins préparaient une députation pour attirer à leur parti l’armée du haut Rhin ; qu’ils avaient résolu de saccager la ville des Ubiens[1], et, que, les mains une fois souillées de cette proie, ils s’élanceraient sur les Gaules et y porteraient le ravage. Pour surcroît d’alarmes, l’ennemi connaissait nos discordes, et, si on abandonnait la rive, il ne manquerait pas de s’y jeter. Armer les auxiliaires et les alliés contre les légions rebelles, c’était allumer la guerre civile : la sécurité était dangereuse, la faiblesse humiliante ; tout refuser, tout accorder, mettait également la république en péril. Toutes les raisons mûrement examinées, on prit le parti de supposer des lettres de l’empereur ; elles promettaient « le congé après vingt ans, la vétérance après seize, à condition de rester sous le drapeau, sans autre devoir que de repousser l’ennemi ; quant au legs d’Auguste, il serait payé et porté au double. »

XXXVII. Le soldat comprit que c’était une ruse pour gagner du temps et voulut qu’on tînt parole sans délai. Les tribuns donnent aussitôt les congés ; pour les largesses, chaque légion devait les recevoir dans ses quartiers d’hiver. Mais la cinquième et la vingt et unième ne relâchèrent rien de leur obstination qu’on eût payé dans le camp même, avec l’argent que César et ses amis avaient apporté pour leurs besoins personnels. Cécina ramena dans la ville des Ubiens la première et la vingtième ; marche honteuse, où l’on voyait traîner entre les aigles et les enseignes un trésor conquis sur le général. Germanicus se rendit à l’armée supérieure pour recevoir son serment. La seconde, la treizième et la seizième légion le prêtèrent sans balancer. La quatorzième avait montré quelque hésitation : on y distribua, sans que personne l’eût demandé, les congés et l’argent.

XXXVIII. Il y eut chez les Cauques un essai de révolte,

  1. Qui depuis fut Cologne, Colonia Agrippensis.