Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/554

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Gaules n’hésitèrent pas. En Bretagne, Vespasien jouissait d’une grande popularité, pour y avoir commandé sous Claude la deuxième légion et s’y être distingué par ses faits d’armes. Ce souvenir décida la province, non sans quelque résistance des autres légions, où la plupart des centurions et des soldats devaient leur avancement à Vitellius et changeaient avec crainte un prince dont ils avaient déjà fait l’essai.

Révoltes anti-romaines

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Enhardis par ces divisions et par les bruits de guerre civile sans cesse répétés, les Bretons levèrent la tête à l’instigation de Vénusius. Outre l’audace de son caractère et sa haine du nom romain, ce chef était animé contre la reine Cartismandua d’un sentiment personnel de vengeance. Cartismandua régnait sur les Brigantes20, avec tout l’éclat du sang le plus illustre. Sa puissance s’était accrue à l’égal de sa noblesse, depuis qu’en prenant par trahison le roi Caractacus elle avait pour ainsi dire fourni à Claude la matière de son triomphe. De là l’opulence et tous les abus de la prospérité. Dédaignant Vénusius qui était son époux, elle admit au partage de son lit et de son trône Vellocatus, écuyer de ce prince. Ce scandale ébranla sa maison. L’époux avait pour lui l’opinion du royaume : la passion de la reine et sa cruauté protégeaient l’adultère. Vénusius appela du secours, et, secondé par la défection des Brigantes eux-mêmes, il réduisit Cartismandua aux dernières extrémités. Alors elle demanda l’appui des Romains. Nos cohortes et notre cavalerie, après des chances partagées, tirèrent enfin la reine de péril. Vénusius eut le royaume, et nous la guerre.

20. Les Brigantes habitaient l’Yorkshire et le Northumberland.

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Dans ce même temps, le trouble se mit en Germanie, fomenté par la négligence des chefs et l’esprit séditieux des légions. La force étrangère s’unit à la perfidie des alliés, et la puissance romaine en fut presque abattue. Cette guerre, avec ses causes et ses résultats (car la lutte fut longue et sérieuse), sera l’objet d’un récit particulier. De leur côté s’émurent les Daces, nation toujours sans foi, alors sans crainte, la Mésie n’ayant plus d’armée. Ils observèrent en silence les premiers événements : quand ils virent l’Italie en feu et la moitié de l’empire armée contre l’autre, ils forcèrent les quartiers d’hiver des cohortes et de la cavalerie, et se trouvèrent maîtres des deux rives du Danube. Déjà ils s’apprêtaient à détruire le camp des légions, si Mucien ne leur eût opposé la sixième. Il