Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/571

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ici il est assiégé publiquement, publiquement incendié. Et que voulaient nos funestes armes ? quel bien fut acheté par ce grand désastre ? est-ce donc pour la patrie que nous combattions ? Tarquin l’ancien voua ce temple dans la guerre des Sabins, et il en jeta les fondements, sur des proportions plus conformes aux grandeurs de l’avenir qu’aux ressources encore faibles du peuple romain. Après lui, Servius Tullius, avec les offrandes des alliés, et Tarquin le superbe, avec les dépouilles conquises à Suessa Pométia37. , élevèrent l’édifice ; mais la gloire d’un si bel ouvrage était réservée à la liberté. Après l’expulsion des rois, Horatius Pulvillus, consul pour la seconde fois, dédia ce monument, d’une magnificence déjà si grande, que les immenses richesses du peuple romain purent bien la parer depuis, mais ne purent l’augmenter. Il fut rebâti sur le même emplacement, lorsqu’après quatre cent vingt-cinq ans, sous le consulat de L. Scipion et de C. Norbanus, il eut été réduit en cendres. Sylla victorieux prit soin de le reconstruire ; mais il n’en fit pas la dédicace38.  : c’est la seule chose qui ait été refusée à son bonheur. Le nom de Lutatius Catulus subsista parmi tant d’ouvrages des Césars, jusqu’au temps de Vitellius. Voilà quel monument les flammes dévoraient alors.

36. L’an de Rome 671, sous les consuls Scipion et Norbanus, le Capitole fut consumé par un incendie dont on ne put découvrir la cause. Cet événement eut lieu pendant la guerre de Sylla contre la faction de Marius, vingt ans avant la conjuration de Catilina.
37. Voy. Tite Live, liv. I, ch. LIII. Suessa Pométia était la principale ville des Volsques. Elle a donné son nom aux marais Pomptins.
38. Ce fut Catulus, qui, l’an 685, dédia le nouveau temple, quatorze ans après l’incendie de l’ancien. Sylla était mort l’an 678.

Mort de Sabinus, frère de Vespasien

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Toutefois l’incendie causa plus de frayeur aux assiégés qu’aux assiégeants. Les Vitelliens ne manquaient dans le péril ni de ruse ni de courage. Chez les Flaviens au contraire, ce sont des soldats qui s’agitent en désordre, un chef sans énergie et comme frappé de stupeur, qui ne sait plus rien voir, rien entendre, incapable de se laisser conduire ni de prendre conseil de lui-même, tournant à droite à gauche, selon les cris de l’ennemi, ordonnant ce qu’il a défendu, défendant ce qu’il vient d’ordonner. Il arriva bientôt ce qui arrive quand tout est perdu : tous commandent, personne n’exécute ; enfin ils jettent leurs armes et ne songent plus qu’à la fuite et aux moyens de tromper les recherches. Les Vitelliens se précipitent dans l’enceinte et y promènent le carnage, le fer et la flamme. Quelques gens de guerre, dont les plus distingués étaient Cornélius Martialis, Érnilius Pacensis, Caspérius Niger, Didius Scéva, se mirent en défense et furent massacrés. Sabinus était