Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/576

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ne rendit pas moins odieux que sa qualité de magistrat et d’envoyé public ; sa suite fut dispersée ; son premier licteur périt en essayant courageusement d’écarter la foule ; et, si le général ne leur eût donné une garde qui les défendit, le caractère d’ambassadeur, plus sacré chez les nations barbares que sous les murs de la patrie, eût été profané jusqu’au meurtre par la rage des guerres civiles. Ceux qui se rendirent auprès d’Antoine y reçurent un accueil plus pacifique ; ce n’est pas que le soldat fût plus modéré, mais le chef était mieux obéi.

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Aux députés s’était joint Musonius Rufus, chevalier romain, qui se piquait de philosophie et professait les maximes du portique. Mêlé parmi les soldats, il allait dissertant sur les biens de la paix et les dangers de la guerre, et faisait la leçon à des disciples armés. Il fit rire les uns, fatigua le plus grand nombre ; et il ne manquait pas de gens qui allaient courir sur lui et le fouler aux pieds, si lui-même, cédant aux avis des plus sensés et aux menaces des autres, n’eût laissé là sa morale intempestive. Vinrent ensuite les vierges Vestales avec des lettres de Vitellius à Antoine : il y demandait "qu’une trêve d’un seul jour suspendit le combat décisif ; pendant cet intervalle tout pourrait se concilier." Les Vestales furent congédiées avec honneur. On répondit à Vitellius que le meurtre de Sabinus et l’incendie du Capitole avaient rompu tout commerce entre les deux partis.

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Antonius cependant convoqua ses légions, et tacha de les amener par la douceur à camper auprès du pont Milvius, et à n’entrer que le lendemain dans Rome. Il désirait ce délai, dans la crainte que le soldat, aigri par la résistance, n’épargnât ni le peuple, ni le sénat, ni les temples mêmes et les sanctuaires des dieux ; mais tout retard éveillait les soupçons comme ennemi de la victoire : et d’ailleurs, des étendards brillant sur les collines, quoique suivis d’une multitude inhabile à la guerre, présentaient l’apparence d’une armée en bataille. On part sur trois colonnes : la première poursuivit sa marche par la voie Flaminienne, l’autre longea la rive du Tibre, la troisième s’approcha de la porte Colline par la voie Salaria. Une charge de cavalerie dispersa la populace de Vitellius ; ses soldats s’avancèrent, comme l’ennemi, en trois corps séparés. Des combats nombreux et disputés se livrèrent devant la ville : les Flaviens, plus habilement conduits, eurent généralement l’avantage ; il n’y eut de maltraités que ceux qui, se dirigeant à gauche vers les jardins de Salluste, s’étaient engagés