Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/582

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pourquoi écrire en homme public ? Ne pouvait-il pas, quelques jours après, dire les mêmes choses en opinant à son rang ? " Ses invectives même contre Vitellius parurent trop tardives pour être courageuses. Mais on trouva surtout humiliant pour la république et injurieux au prince qu’il se vantât d’avoir tenu l’empire dans ses mains, et de l’avoir donné à Vespasien. Toutefois le mécontentement se taisait ; l’adulation parlait tout haut. Les décorations triomphales furent décernées à Mucien dans des termes magnifiques, et la guerre civile eut son triomphe ; l’expédition contre les Sarmates y servit de prétexte. Antoine reçut les ornements consulaires ; Fuscus et Varus les insignes de la préfecture. On eut ensuite un regard pour les dieux : on ordonna le rétablissement du Capitole. Valérius Asiaticus, consul désigné, fut l’auteur de toutes ces propositions ; les autres approuvaient du visage et de la main : un petit nombre, que leur dignité mettait en vue, ou dont l’habitude de flatter avait exercé le talent, exprimèrent leur assentiment par des harangues étudiées. Quand ce fut le tour d’Helvidius Priscus, désigné préteur, il prononça une opinion qui était un hommage pour un bon prince, mais dont rien de faux n’altérait la franchise ; elle fut accueillie avec enthousiasme. Ce jour, décisif dans sa destinée, fut pour lui le commencement d’une grande défaveur et d’une grande gloire.

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Puisque mon sujet ramène ici la mention d’un homme dont il faudra parler plus d’une fois, il me semble nécessaire de dire en peu de mots quelles furent sa vie, les occupations de son esprit, les vicissitudes de sa fortune. Helvidius Priscus naquit en Italie, au municipe de Terracine, d’un père nommé Cluvius, qui avait été primipilaire. Il dévoua, tout jeune encore, aux plus hautes études5, un heureux et brillant génie ; non, comme beaucoup d’autres, pour cacher une stérile oisiveté sous un titre fastueux, mais pour apporter aux affaires publiques un cœur affermi contre le sort. Il embrassa la doctrine philosophique6 qui appelle uniquement bien ce qui est honnête, mal ce qui est honteux, et qui ne compte la puissance, la noblesse, et tout ce qui est hors de l’âme, au nombre ni des biens ni des maux. Choisi, n’ayant encore exerce que la questure, pour gendre de Thraséas, ce qu’il emprunta surtout aux exemples