Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/592

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Les Bataves, en approchant du camp de Bonn, envoyèrent une députation déclarer à Gallus, au nom des cohortes, "qu’elles n’étaient point en guerre avec les Romains, pour qui elles avaient tant de fois combattu ; que fatiguées d’un long et stérile service elles soupiraient après la patrie et le repos ; que, si personne ne les arrêtait, leur marche serait inoffensive ; mais que si des armes leur fermaient le chemin, elles trouveraient passage avec le fer." Le général balançait : les soldats le décidèrent à tenter le combat. Trois mille légionnaires, des cohortes belges levées tumultuairement, un gros de paysans et de vivandiers, troupe lâche, mais insolente avant le péril, sortent à la fois par toutes les portes, pour envelopper les Bataves inférieurs en nombre. Ces vieux guerriers se forment en bataillons triangulaires, dont les trois faces sont également serrées et impénétrables ; ils rompent ainsi nos lignes sans épaisseur. Les Belges pliant, la légion est repoussée, et l’on fuit en désordre vers les retranchements et les portes. C’est là que se fit le plus grand carnage : les fossés se comblèrent de corps ; et c’était peu du fer et des coups de l’ennemi : un grand nombre périrent par la chute même et percés de leurs propres armes. Les vainqueurs, évitant Cologne, achevèrent leur route sans commettre d’hostilités. Ils s’excusaient du combat de Bonn, en disant qu’ils avaient demandé la paix, et que, ne pouvant l’obtenir, ils avaient pourvu à leur défense.

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L’arrivée de ces vieilles cohortes donnait enfin à Civilis une armée véritable ; irrésolu toutefois, et songeant à la puissance des Romains, il fait reconnaître Vespasien par tous ceux qui étaient avec lui, et envoie proposer le même serment aux deux légions qui, repoussées à la première affaire, s’étaient retirées dans le camp de Vétéra. Elles répondirent, "qu’elles ne prenaient conseil ni d’un traître ni d’un ennemi ; que Vitellius était leur empereur, et que leur foi et leurs armes seraient à lui jusqu’au dernier soupir ; qu’un déserteur batave cessât donc de s’ériger en arbitre des destinées de Rome ; qu’il attendît plutôt le juste châtiment de son crime." A cette réponse, Civilis brûlant de colère entraîne aux armes toute la nation batave ; les Bructères et les Tenctères s’y joignent aussitôt, et, avertie par de rapides messagers, la Germanie accourt au butin et à la gloire.

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Pour résister à ce concours menaçant d’hostilités, les commandants des légions Mummius Lupercus et Numisius