Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/603

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et, comme il le craignait, il le crut. Ces bruits étaient accrédités par les Vitelliens, chez qui l’esprit de parti survivait à la défaite ; ils ne déplaisaient pas même aux vainqueurs, dont toutes les guerres étrangères n’auraient pas assouvi les insatiables convoitises, bien loin que la guerre civile ait jamais eu de victoire qui pût les satisfaire.

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Le jour des kalendes de janvier, le sénat, convoqué par Julius Frontinus21, préteur de la ville, décerna aux lieutenants, aux armées, aux rois22, des éloges et des actions de grâces. La préture fut retirée à Tertius Julianus, sous prétexte qu’il avait abandonné sa légion lorsqu’elle passa sous les drapeaux de Vespasien, et Plotius Griphus lui fut substitué. Hormus reçut le titre de chevalier. Bientôt Frontinus ayant abdiqué, Domitien prit possession de la préture ; son nom figurait à la tête des lettres et des édits : le pouvoir était aux mains de Mucien. Ce n’est pas que Domitien, poussé par les conseils de ses amis ou les caprices de sa volonté, n’agît souvent en maître. Mais aucune rivalité n’inquiétait Mucien comme celle d’Antoine et de Varus, illustrés tous deux de récentes victoires, chéris des soldats, en crédit jusqu’auprès du peuple, qui leur savait gré de n’avoir tiré, le glaive que sur le champ de bataille. Antoine, disait-on, s’adressant à Scribonianus Crassus, à qui de nobles aïeux donnaient un lustre que relevait encore l’image de son frère, l’avait exhorté à se saisir du pouvoir, entreprise qui n’eût pas manqué de soutiens si Scribonianus ne s’y était refusé. Mais le succès le mieux assuré ne l’eût pas facilement séduit, bien moins encore une espérance douteuse. Dans ces conjonctures Mucien, ne pouvant perdre Antonius ouvertement, le comble d’éloges dans le sénat, l’accable en secret de promesses, montrant à son ambition l’Espagne citérieure, laissée vacante parle départ de Cluvius ; en même temps il distribue à ses amis des tribunats et des préfectures. Quand il eut rempli cette âme vaine d’espoir et de prétentions, il mina ses forces en renvoyant dans son camp la septième légion, celle de toutes dont le zèle pour Antoine était le plus ardent ; la troisième, dévouée à Varus, retourna