Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/611

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il apaisa les discordes d’OEa et de Leptis26. Commencée entre paysans pour des denrées et des troupeaux mutuellement ravis, cette querelle, d’abord légère, se poursuivait à la fin sur des champs de bataille. Ceux d’OEa, inférieurs en nombre, avaient appelé à eux les Garamantes, nation indomptée et pépinière féconde de brigands, toujours prêts à piller leurs voisins. Leptis était dans la détresse, et, les campagnes étant au loin ravagées, les habitants tremblaient derrière leurs murailles. Enfin survinrent nos cohortes et nos escadrons : les Garamantes furent battus et le butin repris, excepté celui qu’un ennemi vagabond avait emporté jusqu’à ses huttes inaccessibles et vendu dans l’intérieur des terres.

26. OEa et Leptis étaient deux des trois villes qui faisaient appeler Tripolis une portion de la côte d’Afrique. Le nom de la contrée est resté à OEa, qui est aujourd’hui Tripoli de Barbarie.

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Vespasien, après la bataille de Crémone et tant d’autres succès annoncés de toutes parts, apprit la mort de Vitellius : une foule de citoyens de tous les ordres affrontèrent avec autant de bonheur que d’audace les tempêtes de l’hiver pour lui en porter la nouvelle. Près de lui étaient les ambassadeurs du roi Vologèse, qui lui offraient quarante mille cavaliers parthes : grande et heureuse destinée, de voir accourir autour de soi de si nombreux auxiliaires et de n’en avoir pas besoin ! Des grâces furent rendues à Vologèse, et on lui fit dire "d’envoyer ses députés au sénat et de savoir que l’empire était en paix." Vespasien, portant ses pensées sur l’Italie et les affaires de Rome, entendit les plaintes de la renommée, qui accusait Domitien d’excéder les bornes prescrites à son âge et les privilèges d’un fils. Il donne aussitôt la plus forte partie de son armée à Titus, et le charge d’achever la guerre de Judée.

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Titus, allant de partir, eut, dit-on, avec son père un long entretien, où il le conjura de ne pas s’enflammer sur de vagues imputations, et de garder, pour juger un fils, un esprit libre et une âme indulgente. "Non, disait-il, ni légions ni flottes ne sont d’aussi fermes soutiens du pouvoir suprême que le nombre des enfants. Le temps, la fortune, la passion même ou l’erreur, refroidissent, déplacent, éteignent les amitiés. Le sang forme des liens indissolubles, surtout entre les princes ; et, si d’autres participent à leurs prospérités, c’est leur famille qui ressent leurs disgrâces. Comment la concorde durera-t-elle entre frères, si un père n’en donne l’exemple ? " Vespasien,