Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/623

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la vingt et unième, et parmi les nouveaux corps la seconde, furent conduites les unes par les Alpes Cottiennes38 et Pennines39, les autres par les Alpes Graïennes40. On fit venir de Bretagne la quatorzième légion, et d’Espagne la sixième et la dixième. En apprenant la marche de cette armée, les cités gauloises, qui déjà inclinaient à la paix, s’assemblèrent chez les Rémois. Une députation des Trévires les y attendait, ayant à sa tête l’homme le plus ardent à souffler le feu de la guerre, Tullius Valentinus. Dans un discours étudié, où il accumula tous les reproches qu’on a coutume d’adresser aux grandes puissances, Valentinus se répandit, contre le peuple romain en injures et en invectives, orateur de trouble et d’anarchie, auquel une éloquence forcenée attirait de nombreux partisans.

38. Le Grand Saint-Bernard.
39. Le mont Genèvre et le mont Cenis.
40. Le Petit Saint-Bernard.

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Julius Auspex, un des principaux Rémois, fit valoir la force des Romains et les avantages de la paix. "Si des lâches, disait-il, peuvent aussi commencer les guerres, c’est aux périls des braves qu’elles se poursuivent ; et déjà les légions sont sur nos têtes." Il parvint ainsi à retenir les gens sages par le frein de l’honneur et du devoir, les plus jeunes par le danger et la crainte. On loua le courage de Valentinus ; on suivit le conseil d’Auspex. Il est certain qu’une chose nuisit aux Trévires et aux Lingons dans l’esprit des Gaulois : ce fut d’avoir suivi contre Vindex les drapeaux de Virginius. Beaucoup furent aussi détournés par des rivalités de provinces. "Qui aurait en effet la direction de la guerre ? de qui recevrait-on les ordres et les auspices ? quel serait, en cas de succès, le siège du nouvel empire ? " Ainsi la discorde n’attendait pas la victoire. Ceux-ci mettaient en avant des traités, ceux-là leurs richesses et leurs forces, d’autres l’ancienneté de leur origine ; c’étaient des querelles sans fin. Déjà fatigués de l’avenir, ils s’en tinrent au présent. Des lettres furent écrites au nom des Gaules pour inviter les Trévires à déposer les armes ; " leur faute était pardonnable et les intercesseurs tout prêts, s’ils voulaient se repentir." VaIentinus resta ferme et empêcha sa patrie de rien entendre ; moins actif toutefois à préparer la guerre qu’assidu à haranguer le peuple.

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Aussi ni les Trévires, ni les Lingons, ni les autres cités rebelles, ne firent des efforts proportionnés à la grandeur de