Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/643

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que le reste. Les portiques mêmes qui régnaient à l’entour étaient de bonnes fortifications. Il y avait une source qui ne tarissait jamais, des souterrains sous la montagne, des piscines et des citernes pour conserver l’eau du ciel. Les fondateurs avaient prévu qu’un peuple si différent des autres serait souvent en guerre. De là toutes les précautions nécessaires contre le plus long siège : après que Pompée eut forcé la ville, la crainte et l’expérience en suggérèrent encore de nouvelles ; les Juifs achetèrent d’ailleurs, sous le règne avare de Claude, le droit de se fortifier, et en pleine paix ils bâtirent des murs comme pour la guerre. Un déluge de misérables échappés au désastre des autres villes grossissait la population. Car ce qu’il y avait de plus opiniâtre dans la révolte s’était réfugié à Jérusalem et la remplissait de discordes. Elle avait trois chefs, trois armées. Simon occupait l’enceinte extérieure, la plus vaste de toutes ; Jean, surnommé Bargioras, tenait l’intérieur de la ville ; Éléazar s’était retranché dans le temple. Jean et Simon étaient supérieurs par le nombre et les armes, Éléazar par la position ; mais ce n’était entre eux que trahisons, combats, incendies : une grande quantité de blé fut dévorée par le feu. Jean, sous prétexte d’offrir un sacrifice, finit par envoyer des meurtriers qui massacrèrent Éléazar et sa troupe, et le rendirent maître du temple. La ville resta partagée en deux factions jusqu’à l’approche des Romains : alors la guerre étrangère ramena la concorde.

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Il était survenu des prodiges dont cette nation, aussi ennemie de tout culte religieux qu’adonnée aux superstitions, aurait craint de conjurer la menace par des vœux ou des victimes expiatoires8. On vit des bataillons s’entrechoquer dans les airs, des armes étinceler, et des feux, s’échappant des nues, éclairer soudainement le temple. Les portes du sanctuaire s’ouvrirent d’elles-mêmes, et une voix plus forte que la voix humaine annonça que les dieux en sortaient ; en même temps fut entendu un grand mouvement de départ. Peu de Juifs s’effrayaient de ces présages ; la plupart avaient foi à une prédiction contenue, selon eux, dans les anciens livres de leurs prêtres, "que l’Orient prévaudrait, et que de la Judée sortiraient les maîtres du monde ; " paroles mystérieuses qui dé