Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/647

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Gallus Annius dans la Germanie supérieure. Ce vide fut rempli dans l’armée de Cérialis par la dixième, qui arrivait d’Espagne. Il vint à Civilis un renfort de Cauques. N’osant toutefois défendre par les armes la ville des Bataves, il enleva tout ce qui pouvait s’emporter, brûla le reste et se retira dans l’île. Il savait que les Romains manquaient de bateaux pour faire un pont, et que sans pont l’armée ne passerait pas. II rompit même la digue construite par Drusus[1] ; et, en écartant l’obstacle qui retenait les eaux, il abandonna le Rhin à la pente naturelle qui l’entraîne vers la Gaule. Le fleuve ainsi jeté hors de son lit, il resta entre l’île et la rive germanique un si faible courant que les deux terres semblaient se tenir… Avec lui passèrent le Rhin Tutor, Classicus et cent treize sénateurs de la cité des Trévires, entre autres Alpinus Montanus, qu’Antoine, comme nous l’avons dit plus haut, avait envoyé dans les Gaules. Montanus était accompagné de son frère Décimas Alpinus. Tous à l’envi, joignant les présents à l’intérêt qu’inspire le malheur, ramassaient des secours chez ces nations avides de périls.

XX. Il y eut donc un reste de guerre, et même assez redoutable pour qu’en un jour Civilis attaquât sur quatre points les cantonnements des cohortes, de la cavalerie et des légions : la dixième légion dans Arénacum, la seconde à Batavodurum ; les cohortes et la cavalerie à Grinnes et à Vada[2]. Il avait partagé ses troupes de manière que lui, Vérax, fils de sa sœur, Classicus et Tutor, conduisaient chacun un corps séparé. Ce n’est pas qu’il se crût sûr de réussir partout ; mais en multipliant les attaques, il espérait que le sort en favoriserait quelques-unes. « Cérialis d’ailleurs prenait peu de précautions : assailli de tant de nouvelles à la fois, courant d’un poste à l’autre, ne pouvait-il pas être enlevé sur la route ? » Le corps envoyé contre la dixième légion, jugeant que la forcer était une tâche difficile, tomba sur les soldats sortis du camp et occupés à couper du bois : cinq des premiers centurions, le préfet de camp et quelques soldats furent tués ; le reste de la légion se défendit derrière ses retranchements. Pendant ce temps une troupe de Germains s’efforçait de rompre le pont

  1. C’est la digue dont Tacite parle, Annales, liv. XIII, ch. liii ; elle servait à contenir le Rhin sur la rive gauche.
  2. D’Anville place Vada vis-à-vis de Rhénen, Grinnes aux environs de Tiel, Arénacum à Aërt, et Batavodurum à Wick-te-Durstede.