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vie de cn. julius agricola.

sur un sol si voisin de chez eux. On reconnait leur culte dans les superstitions qui forment la croyance du pays. Les langues diffèrent peu. C’est la même audace à défier le péril, et, quand le péril est venu, le même empressement à le fuir. Les Bretons cependant montrent plus d’intrépidité : c’est qu’une longue paix ne les a pas encore amollis ; car les Gaulois aussi furent vaillants à la guerre. La lâcheté s’est introduite avec le repos, et la perte du courage a suivi celle de la liberté. La même chose est arrivée aux Bretons anciennement vaincus : les autres sont encore ce que furent les Gaulois.

XII. La force des Bretons est dans leur infanterie : quelques peuplades font aussi la guerre avec des chars ; lè plus noble tient les rênes, ses clients combattent. Jadis ils obéissaient à des rois ; maintenant ils sont partagés, au gré des passions et des intérêts, entre différents chefs. Et rien ne nous a mieux servis contre des nations si puissantes que ce défaut d’union : rarement deux ou trois cités se concertent pour repousser un danger commun ; aussi chacune combat seule, et toutes sont vaincues. Le ciel est souvent pluvieux et obscurci de nuages ; les froids sont peu rigoureux. Les jours excèdent en longueur ceux de nos climats ; les nuits sont claires ; à l’extrémité de la Bretagne, elles durent si peu qu’à peine un léger crépuscule sépare le jour qui finit de celui qui commence. On assure même que, dans un temps serein, on voit pendant la nuit la clarté du soleil, qui ne se lève ni ne se couche, mais rase seulement l’horizon : sans doute que les extrémités planes et unies de la terre ne projettent leur ombre qu’à une médiocre hauteur, de sorte que les ténèbres n’atteignent point la région des astres. Le sol est propre à la culture ; et, si l’on excepte l’olivier, la vigne, et d’autres productions qui demandent un climat plus chaud, tout y croît abondamment. La maturité est lente, la végétation rapide ; deux effets d’une même cause, la grande humidité Je la terre et de l’air. La Bretagne produit de l’or, de l’argent et d’autres métaux, prix de sa conquête. L’Océan donne aussi des perles, mais d’une eau terne et plombée. Quelques-uns pensent que ce défaut tient à la manière dont on les recueille : dans la mer Rouge, on arrache des rochers les coquillages tout vivants, tandis qu’en Bretagne on les ramasse où le flot les a jetés. Pour moi, je croirais que la qualité manque aux perles plutôt qu’à nous l’avarice.

XIII. Les Bretons se soumettent sans murmurer aux enrôlements, aux tributs, aux autres charges que leur impose