Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/730

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et qu’il produirait, sinon plus, au moins autant de noms célèbres, opposant l’un à Cicéron, l’autre à César, donnant enfin à chacun son rival. Mais, content d’avoir individuellement rabaissé les anciens, il n’a osé louer les nouveaux qu’en général et en masse. Il a craint, j’imagine, d’en offenser beaucoup, s’il en distinguait un petit nombre ; car quel est celui de nos déclamateurs de l’école, qui, dans les rêves d’une vanité satisfaite, ne se compte avant Cicéron, quoique sans doute après Gabinianus ?

XXVII. « Je ne craindrai pas, moi, de citer des noms propres, afin qu’ayant les exemples sous les yeux vous aperceviez plus facilement les progrès de la décadence. — Hâtez-vous plutôt, dit Maternus, d’accomplir votre promesse ; car nous ne voulons pas arriver à la conclusion que les anciens maniaient plus habilement la parole : pour moi c’est un fait hors de doute. Ce sont les causes de ce fait que nous cherchons, et vous avez dit tout à l’heure que vous y pensiez souvent. Alors vous étiez plus doux et moins irrité contre l’éloquence de nos temps ; Aper ne vous avait pas encore offensé en attaquant vos ancêtres. — Je ne suis pas offensé, dit Messala, de la critique d’Aper, et vous ne devez pas l’être davantage, si, dans ce que je vais dire, quelque mot un peu vif effleurait vos oreilles. Vous savez que la première loi de ces discussions est d’exprimer le jugement de son esprit, sans préjudice des sentiments de son cœur. — Continuez, dit Maternus, et, puisque vous parlez des anciens, usez de cette antique liberté dont nous avons encore plus dégénéré que de l’antique éloquence. »

XXVIII. Alors Messala reprit : « Les causes que vous cherchez, Maternus, ne sont pas difficiles à trouver ; et ni vous, ni Sécundus, ni Aper, ne les ignorez, quoique vous m’ayez choisi pour être l’organe de notre pensée commune. Qui ne sait en effet que l’éloquence, comme les autres arts, est déchue de son ancienne gloire, non par la disette de talents, mais par la nonchalance de la jeunesse, la négligence des pères, l’incapacité des maîtres, l’oubli des mœurs antiques, tous maux qui, nés dans Rome, répandus bientôt en Italie, commencent enfin à gagner les provinces ? Quoique vous connaissiez mieux ce qui se passe plus près de nous, je parlerai de Rome et des vices particuliers et domestiques qui assaillent notre berceau et s’accumulent à mesure que nos années s’accroissent ; mais auparavant je dirai brièvement quelle était, en matière d’éducation, la discipline et la sévérité de nos an-