Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/91

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tait de merveilles, bourrasques furieuses, oiseaux inconnus, poissons prodigieux, monstres d’une forme indécise entre l’homme et la bête : phénomènes réels on fantômes de la peur.

XXV. Le bruit semé que la flotte était perdue, en relevant l’espoir des ennemis, excita Germanicus à réprimer leur audace. Il envoya Silius contre les Chattes avec trente mille hommes de pied et trois mille chevaux. Lui-même entra chez les Marses avec une armée encore plus forte. Leur chef Mallovendus, qui s’était rendu depuis peu, déclara qu’une des aigles de Varus était enfouie dans un bois voisin, et gardée par une poignée d’hommes. Aussitôt un détachement est envoyé pour attirer les barbares en avant, tandis qu’un autre irait par derrière et enlèverait l’aigle. Tous deux réussirent. Animé par ce succès, Germanicus s’enfonce dans le pays, le dévaste et le pille, sans que l’ennemi osât en venir aux mains ou, s’il résistait quelque part, il était repoussé à l’instant, et jamais, au rapport des prisonniers, les Germains n’avaient ressenti une plus grande terreur. Ils disaient hautement « que les Romains étaient invincibles et à l’épreuve de tous les coups de la fortune, puisque, après le naufrage de leurs vaisseaux et la perte de leurs armes, lorsque les rivages étaient jonchés des cadavres de leurs hommes et de leurs chevaux, ils revenaient à la charge, aussi fiers, aussi intrépides, et comme multipliés. »

XXVI. Le soldat fut ramené dans les quartiers d’hiver, satisfait d’avoir compensé par la victoire les malheurs de la navigation. César mit le comble à la joie par sa munificence, en payant à chacun ce qu’il déclarait avoir perdu. On ne doutait plus que les ennemis découragés ne songeassent à demander la paix, et qu’une nouvelle campagne ne terminât la guerre. Mais Tibère, par de fréquents messages, pressait Germanicus de revenir à Rome, où le triomphe l’attendait. « C’était assez d’événements, assez de hasards ; il avait livré d’heureux et mémorables combats ; mais devait-il oublier les vents et les flots, dont la fureur, qu’on ne pouvait reprocher au général, n’en avait pas moins causé de cruels et sensibles dommages ? Lui-même, envoyé neuf fois en Germanie par Auguste, avait dû plus de succès au conseil qu’à la force : c’était ainsi qu’il avait amené les Sicambres à se soumettre, enchaîné par la paie les Suèves et le roi Maroboduus. À présent que l’honneur de l’empire était vengé, on pouvait aussi abandonner à leurs querelles domestiques les Chérusques et les autres nations rebelles. » Germanicus demandait en grâce un an pour achever son ou-