Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/96

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borna la condescendance pour sa mère à la promesse d’aller an tribunal du préteur et d’appuyer Urgulanie. Il sort du palais et ordonne aux soldats de le suivre de loin. On le voyait, au milieu d’un concours de peuple, s’avancer avec un visage composé, allongeant par différents entretiens le temps et le chemin ; lorsque enfin, Pison persistant malgré les représentations de ses proches, Augusta fit apporter la somme demandée. Ainsi finit un procès qui ne fut pas sans gloire pour Pison, et qui accrut la renommée de Tibère. Au reste le crédit d’Urgulanie était si scandaleux, qu’appelée en témoignage dans une cause qui s’instruisait devant le sénat, elle dédaigna de s’y rendre. Il fallut qu’un préteur allât chez elle recevoir sa déposition, quoique de tout temps celles des Vestales mêmes aient été entendues au Forum et devant le tribunal.

XXXV. Il y eut cette année dans les affaires une interruption dont je ne parlerais pas, s’il n’était bon de connaître sur ce sujet les avis opposés de Cn. Piso et d’Asinius Gallus. Tibère avait annoncé qu’il serait absent quelque temps, et Pison voulait que pour cette raison même on redoublât d’activité : « Ce serait l’honneur du gouvernement, qu’en l’absence du prince le sénat et les chevaliers portassent également le poids de leurs fonctions. » Gallus, sans affecter une liberté dont Pison lui avait dérobé le mérite, soutint « que la présence de César était indispensable pour donner aux actes publics cet éclat qui convient à la majesté de l’empire, et que des discussions où l’Italie accourait, où affluaient les provinces, devaient être réservées à d’augustes regards. » Tibère écoutait en silence ces avis, qui furent débattus avec beaucoup de chaleur. Toutefois les affaires furent remises.

XXXVI. Bientôt une discussion s’éleva entre Gallus et Tibère lui-même. Gallus était d’avis « qu’on élût à la fois les magistrats pour cinq ans ; que les lieutenants placés à la tête des légions avant d’avoir exercé la préture fussent de droit désignés préteurs ; enfin, que le prince nommât douze candidats pour chacune des cinq années. » Cette proposition couvrait évidemment des vues plus profondes, et touchait aux ressorts les plus cachés de l’empire. Tibère cependant, comme si elle avait dû accroître sa puissance, répondit « que sa modération serait gênée de choisir tant de concurrents et d’en ajourner tant d’autres : à peine, dans les élections annuelles, où une espérance prochaine consolait d’un refus, on évitait de faire des mécontents ; que de haines soulèverait une exclusion