Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/120

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artisans de Heidelberg, nous nous sommes tous convaincus que l’usage grossier des juremens et des excès du vin occasione une foule de maux dans la nation allemande ; c’est pourquoi nous ious, électeurs ou princes sus-mentionnés, tant ecclésiastiques que laïques, nous nous sommes engagés d’un commun accord, à la louange du Dieu tout-puissant, et sous notre parole de prince, à nous abstenir, en ce qui nous concerne personnellement, de jurer, de blasphémer et de nous enivrer, ou, du moins, à ne plus le faire qu’à moitié. Nous ordonnons en même temps, sous des peines spéciales, à tous nos magistrats supérieurs et inférieurs, aux officiers et employés de la cour, de suivre notre exemple. Les chevaliers sous notre juridiction sont également invités à nous imiter, et à ne plus se livrer ni au blasphème ni à l’ivrognerie, ou, du moins, à ne plus le faire qu’à moitié. » (Mém. manuscr. sur la chevalerie, par le comte A. Delaborde.)

Ils ont délibéré lorsqu’ils ne pouvaient feindre.

L’Anglais, le seul Anglais, instruit dans l’art de vivre,
Pense et raisonne encore au moment qu’il s’enivre ;
Le coude sur le table, appuyé gravement,
L’esprit préoccupé d’un bill du parlement,
Il contemple sa coupe, en silence vidée,
Et, plein de ses vapeurs, il creuse son idée.
(Épitre de Colardeau à Duhamel.)

XXIII. Achètent même du vin. Les Romains avaient fait de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, un vaste empire : la faiblesse des peuples et la tyrannie du commandement unirent toutes les parties de ce corps immense. Pour lors, la politique romaine fut de se séparer de toutes les nations qui n’avaient pas été assujéties : la crainte de leur porter l’art de vaincre fit négliger l’art de s’enrichir ; ils firent des lois pour empêcher tout commerce avec les barbares. « Que personne, disent Valens et Gratien, n’envoie du vin, de l’huile ou d’autres liqueurs aux barbares, même pour en goûter… Qu’on ne leur porte point de l’or, ajoutent Gratien, Valentinien et Théodose, et que même, ce qu’ils en ont, on le leur ôte avec finesse. » Le transport du fer fut défendu, sous peine de la vie. Domitien, prince timide, fit arracher les vignes dans la Gaule, de crainte, sans doute, que cette liqueur n’y attirât les bar-