Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/201

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qu’il fit, dès son jeune âge, et les leçons qu’il recueillit à Marseille, ville où l’urbanité grecque et l’économie de nos provinces se trouvaient réunies et heureusement associées. Je me rappelle qu’il racontait assez souvent lui-même que, dans sa première jeunesse, il se serait jeté dans l’étude de la philosophie avec trop d’entraînement, et plus qu’il ne convient à un Romain et à un sénateur, si la prudence de sa mère n’eût tempéré son âme ardente et pleine de feu. C’est que son génie sublime et enthousiaste, aspirant à l’éclat d’une gloire élevée et supérieure, en saisissait les apparences avec plus d’impétuosité que de circonspection. Bientôt l’âge et la raison le modérèrent, et de l’étude de la philosophie il recueillit, ce qui est le plus difficile, la juste mesure qui fait la sagesse.

V. Il reçut sa première éducation militaire en Bretagne, sous Suetonius Paullinus, général actif et sage, qui le distingua et l’apprécia d’autant mieux qu’il partageait sa tente avec lui. Agricola, loin de la licence des jeunes gens, qui font du service un état de dissolution, loin de leur oisiveté, ne se prévalut jamais de son titre de tribun ni de son inexpérience pour se livrer aux plaisirs et obtenir des congés ; mais il voulut connaître la province, être connu de l’armée, s’instruire auprès des habiles, se lier avec les plus recommandables, ne rien briguer par jactance, ne rien refuser par timidité, se montrer à la fois et vigilant et circonspect. Jamais, sans doute, la Bretagne ne fut plus agitée, son sort plus incertain : nos vétérans étaient égorgés, nos colonies incendiées, nos armées interceptées ; elles combattirent alors pour leur salut, bientôt après pour la victoire.