Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/247

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temps ennemis qu’esclaves, soient retenus par fidélité et par attachement ; c’est par la crainte et la terreur, faibles liens d’affection ; brisez-les : cessant de craindre, ils commenceront à haïr. Tout ce qui peut exciter à la victoire est pour nous ; nulle épouse n’enflamme le courage des Romains, nul père ne va leur reprocher leur fuite. Pour la plupart, point de patrie, ou ils servent une patrie qui n’est point la leur. Peu nombreux, tremblants, incertains, ne voyant autour d’eux qu’un ciel, une mer, des forêts inconnues, enfermés et comme enchaînés, ils nous sont livrés par les dieux. Qu’un vain appareil ne vous épouvante, ni cet éclat d’or et d’argent qui ne blesse ni ne défend. Dans les rangs mêmes de l’ennemi nous retrouverons les bras de nos frères ; les Bretons reconnaîtront leur cause ; les Gaulois se rappelleront leur ancienne liberté : ce qui leur reste de Germains les abandonnera, ainsi que naguère les Usipiens les ont délaissés, et dès lors plus de crainte. Des forts évacués, des colonies de vieillards, des municipes affaiblis et en proie aux discordes entre des maîtres injustes et des sujets prêts à la révolte. Ici est votre chef, ici est votre armée ; là, des tributs, les travaux des mines et tous les autres châtiments des esclaves : les rendre éternels, ou s’en venger aussitôt, va se décider sur ce champ même. Ainsi, en marchant au combat, pensez et à vos ancêtres et à vos descendants ».

XXXIII. Ils reçurent cette harangue avec transport, et, selon la coutume des barbares, avec des chants, des frémissements et des clameurs discordantes. Déjà s’agitaient les bataillons et brillaient les armes des plus