Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/361

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à découvert le jugement de sa conscience. Eut-il été jaloux de Cicéron, lui qui ne paraît pas même l’avoir été de César ? Quant à Servius Galba, à C. Lélius, et aux autres anciens qu’Aper ne cesse de poursuivre, la défense n’est pas nécessaire, puisque je conviens que leur éloquence, encore naissante et non assez développée, eut des imperfections.

XXVI. Du reste si, laissant le genre d’éloquence le meilleur et le plus parfait, il en fallait choisir un autre, certes je préférerais la fougue de C. Gracchus ou la maturité de L. Crassus, aux ornemens coquets de Mécène et aux glapissemens de Gallion. Ne vaut-il pas mieux revêtir l’orateur de la toge la plus rude que de le présenter avec le fard et la toilette d’une courtisane ? Et en effet, grands dieux ! est-ce à un orateur, est-ce même à un homme que convient cette parure de la plupart des avocats d’aujourd’hui, qui, par leurs expressions capricieuses, leurs sentences légères, leurs compositions libres, nous rappellent une musique d’histrions ? Et ce que l’on ne devrait ouïr qu’avec honte, est pour eux une louange, une gloire et une preuve de génie : ils se vantent qu’on chante, qu’on danse leurs plaidoyers. De là est venue cette exclamation si ignoble, si déplacée, et toutefois trop fréquente : Quelle volupté dans le style de cet orateur ! quelle éloquence dans les pas de cet histrion ! Je ne nierai