Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/53

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quelque nourriture ; chacun a sa place séparée, chacun a sa table. Ensuite ils se rendent à leurs affaires, et plus fréquemment à des festins, toujours armés : il n’est déshonorant pour personne d’y passer à boire tout le jour et toute la nuit. Les rixes, suites inévitables de l’ivresse, y sont fréquentes : il est rare qu’elles se terminent seulement par des invectives ; c’est le plus souvent par des blessures et par des meurtres. Mais c’est aussi dans ces banquets qu’ils traitent des réconciliations, des alliances, de l’élection des chefs, de la paix et de la guerre ; ils pensent qu’en aucun autre temps l’âme ne s’ouvre mieux à la franchise de la pensée, ou ne s’échauffe davantage pour les nobles idées. Ces hommes sincères et sans artifice épanchent, au milieu de la liberté joyeuse des festins, tous les secrets de leurs cœurs ; alors les sentimens de tous se montrent à découvert et s’offrent sans voile. Le jour suivant leurs projets sont discutés de nouveau, et, dans l’une et l’autre circonstance, il y a sage discernement : ils ont délibéré, lorsqu’ils ne pouvaient feindre ; ils résolvent, lorsque leur raison ne peut s’égarer.

XXIII. Leur boisson est une liqueur extraite de l’orge ou du blé, que la fermentation rapproche de nos vins. Les plus voisins du fleuve achètent même du vin. Leurs mets sont simples ; des fruits sauvages, de la venaison nouvelle ou du lait caillé : ils apaisent leur faim sans apprêts et sans raffinement. Quant à la soif, ils sont moins tempérans : si l’on favorise leur ivrognerie, en y fournissant autant qu’ils le désirent, on les vaincra par les vices, non moins facilement que par les armes.

XXIV. Leur genre de spectacle est toujours le même dans toutes leurs réunions. Des jeunes gens nus se jet-