Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CORRÈGE.


Le Corrège est aux grâces, ce que Michel-Ange est au terrible. « Plus douces que le miel, dit Homère, les paroles de Nestor couloient de sa bouche. » Plus douces que les rayons d’un beau jour, les teintes brillantes et harmonieuses, les formes remplies de charme couloient du pinceau moelleux du Corrège. Sa belle manière lui est si particulière, elle est si éloignée de tous les principes connus, qu’elle ne peut servir de guide en rien, qu’on ne sauroit la décrire, ni en découvrir la source. Eh ! peut-on décrire les grâces ? peut-on déterminer ce qu’elles sont et ce qui les fait naître ?

S’il étoit certain que toutes les planètes fussent habitées, et s’il étoit possible de concevoir quelque communication entre leurs habitans et nous, on croiroit aisément que les tableaux du Corrège ne sont pas les ouvrages d’un peintre de la terre : il est incorrect ; et peut-être seroit-il permis de dire que son incorrection même est quelquefois une beauté, puisqu’elle est une des causes de ses grâces.