Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/42

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transporté sous nos yeux les principaux ouvrages de Paul Véronèse, on peut à Paris juger exactement son talent. C’est surtout son tableau des Noces de Cana, où sa physionomie est bien prononcée. Que de magnificence dans l’ordonnance ! que de vie dans les figures, et de richesse dans leurs draperies ! Où vit-on jamais une couleur plus brillante et plus vigoureuse ? Quelle facilité d’exécution ! Quel grand parti le goût a su tirer de cette architecture claire, de ces nuages plus clairs encore ! Comment dans un ouvrage aussi vaste, aussi rempli de détails, l’artiste a-t-il pu leur donner autant de vérité ? On diroit qu’il avoit sous les yeux, à la fois, tous les objets qu’il a si bien rendus. Le spectateur entre dans la salle du festin, se promène autour des groupes ; il s’assied, il rit, il boit avec les convives. Cette extraordinaire production, qui, de tous les grands ouvrages de peinture, est celui sans doute qui réunit plus de vérités, ne sauroit être trop étudiée et profondément méditée par les peintres de tous les genres ; elle est d’autant plus étonnante, que pour faire briller une partie plus qu’une autre, on n’y aperçoit aucun sacrifice affecté, et que tous les objets ont la force de couleur,