Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/24

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— Mais il y a des demi-sourires de soleil délicieux, des pluies dorées de rayons noyés dans la brume fondante, des délicatesses de femme dans les teintes de la verdure pleurante et égayée.

Tout est paysage ; des fenêtres de la fabrique et de la maison, de la voiture à chaque tournant de la route, on pourrait copier un point de vue : les hauts toits pointus des maisons, les peupliers jetés çà et là, les raies basses d’arbres à l’horizon, le grand ciel ouvert peuplé de nuages, un groupe d’enfants pieds nus qui montent sur un tronc d’arbre abattu, une troupe de paysans sur un pont. Je crois que la cause en est que le pays a un caractère tranché ; tout s’y tient et fait masse.

Les gens sont vraiment Flamands. Ils fument en travaillant, en voiturant ; ils chargent des sacs avec une pipe longue d’un pied à la bouche. Il faut leur accorder par jour une demi-heure de pipe. Ils s’asseyent demi-nus, en rangs, dans la vapeur tiède, et là, fument ; le dimanche, ils boivent quinze à seize chopes de bière avec eau-de-vie.